Après le camembert, le brie. Pour l’instant, rien n’est perdu, mais l’industrie laitière attend au coin du bois une occasion de tordre le cou aux fromages au lait cru. Prochaine cible, la Brie et ses fromages légendaires. Si le brie de Meaux et le brie de Melun sont encore à l’abri, puisqu’ils sont protégés par une appellation d’origine contrôlée (il faut dire désormais AOP, appellation d’origine protégée, tel que le stipule la nouvelle réglementation européenne), il n’en est pas de même pour le coulommiers, dont peu savent que c’est un brie à part entière, peut-être même le plus ancien.
Hélas, le brie de Coulommiers – c’est ainsi qu’il faut l’appeler pour respecter son identité – ne bénéficie pas d’une AOC. Cette carence de label officiel lui vaut d’être fabriqué n’importe où, n’importe comment. La même mésaventure est arrivée au camembert, qui, faute d’avoir été déposé sous cette appellation, est tombé en 1926 dans le domaine public, avec toutes les contrefaçons que l’on sait. De même que le seul camembert authentique, c’est-à-dire au lait cru, porte l’appellation « camembert de Normandie » (à ne pas confondre avec « camembert » tout court et « camembert fabriqué en Normandie », des fromages industriels), il est urgent que le seul vrai coulommiers, élaboré avec du lait cru, ait son AOC « brie de Coulommiers ». Une question vitale, si l’on ne veut pas que ce fleuron du patrimoine fromager français ne disparaisse dans une cuve de lait pasteurisé ou thermisé. En rejoignant le camp des bries d’appellation d’origine, le coulommiers au lait cru, produit par une poignée de laiteries soucieuses de préserver les spécificités de cette très ancienne pâte molle à croûte fleurie, trouvera la voie de son salut.
Lait cru : la lutte continue
C’est donc aux producteurs, fromagers ou affineurs, aux éleveurs de vaches laitières, ceux qui fournissent le lait cru, aux crémiers détaillants, mais aussi aux deux syndicats de défense du brie de Meaux et du brie de Melun, à la chambre d’agriculture de Seine-et-Marne, mais aussi aux élus, aux citoyens, et, bien sûr, aux médias engagés dans la cause du lait cru, de concrétiser cette démarche, en constituant un dossier auprès de l’Institut national des origines et de la qualité, l’Inao. Gageons que Jean-Charles Arnaud, président du Comité national des appellations laitières, agroalimentaires et forestières de l’Inao, accordera le meilleur accueil, et toute son attention, à une telle initiative et que Franck Riester, député-maire de Coulommiers, saura plaider la cause de son fromage préféré auprès du successeur de Michel Barnier au ministère de l’Agriculture.