UNE VACHE EN TABLIER :
Il est très rare qu'on croise un lapin avec des guêtres, un poisson avec une bicyclette, un ornithorynque avec une cocotte-minute ou bien un tamanoir avec un téléphone mobile.
A partir d'aujourd'hui voir une vache avec un tablier c'est possible..
Sous sa forme actuelle, cette expression pas si bizarre que ça, si on y réfléchit un peu, nous vient du début du XIXe siècle. Mais on peut lire, au milieu du siècle précédent chez Dampierre de la Salle "convenir comme un tablier à une vache espagnole"
Pas si bizarre, car imagineriez-vous le ridicule d'une vache qui, munie d'un beau tablier, chanterait devant une glace : "Ah ! Je ris de me voir si belle en ce miroir ?". Ce serait commettre une faust que d'imaginer telle vision. En effet, raisonnablement, on ne peut envisager qu'un tablier, quel qu'il soit, puisse seoir un tant soit peu à une vache, aussi affriolante serait-elle. Et un pauvre lapin affublé de guêtres serait bien enquiquiné pour se mouvoir, le pauvre ! Seul un chat muni de bottes peut, éventuellement, être acceptable .
Ce rapprochement d'une pièce d'habillement et d'un animal est depuis longtemps utilisé pour exprimer non seulement le ridicule de celui qui s'habille très mal (voir l'image ci-dessus), mais aussi, par extension, l'association de deux objets dont celui qui prononce la phrase estime qu'ils n'ont rien à faire l'un avec l'autre.
Et si le chat botté peut trouver grâce à nos yeux, c'est aussi parce que l'animal utilisé dans ce genre de comparaisons dévalorisantes est souvent mal considéré : une histoire intitulée "la vache bottée" aurait sûrement eu moins de succès (pourtant, Charles Nisard, dans son "Curiosités de l'étymologie française" paru en 1863, cite "comme des pantoufles à un chat" -comme quoi, même le chat...- mais aussi "une chemise à un cochon, un bonnet à une chèvre, une bride à un oison, à une mouche, à un pou...").