La semaine dernière, Audrey Pulvar Montebourg s'est fendue sur France Inter d'une belle chronique au sujet du premier vagabond mort de froid, cuvée automne/hiver 2010-2011. Pleine de compassion, rappelant que dès 1985 Coluche et Goldman chantaient "aujourd'hui, on n'a plus le droit, ni d'avoir faim ni d'avoir froid".
Fort bien. Je pense même qu'elle était sincère. Néanmoins, elle m'a semblé à des années-lumières en-deça de la réalité, qui est à hurler. Alors hurlons.
Ce pauvre type s'appelait Mohamed. Momo. Pas Nicolas, François, Christine ou Laurence, encore moins Liliane ou Charles-Henri , non : Momo.
Ensuite, il avait 78 ans. Soixante-dix-huit. Je n'ai pas entendu grand monde là-dessus. Il est vrai que tout le monde sait que tous les ans, entre le beaujolais nouveau et la Saint Nicolas, on a l'habitude du décompte morbide, des reportages sur le 115, et des ministres qui assurent qu'il y a assez d'hébergements pour tout le monde. Banal à en hausser les épaules et à changer de radio, ils nous emmerdent avec leurs SDF, z'ont qu'à bosser, ah, Lady Gaga, c'est quand même plus intéressant…
NOUS SOMMES EN FRANCE, PAYS DES DROITS DE L'HOMME ET CINQUIEME ECONOMIE DU MONDE, EN 2010, ET A 78 ANS ON PEUT CREVER DE FROID DANS LA RUE DANS L'INDIFFERENCE QUASI TOTALE !Même pas comme un chien, puisqu'on ne laisse pas crever ainsi un chien, la SPA l'interdit formellement. Et avec raison.
J'ai des lecteurs plus intelligents et plus "terriens" que la moyenne, je suis sûr qu'au moins ici on me comprendra.
Ces morts de froid dans la rue sont le meilleur symptôme de l'absurdité totale de ce système qui nous emporte. Ils sont aussi la preuve que non seulement ceux qui nous gouvernent sont des escrocs et des bateleurs d'estrades, qui n'utilisent le pouvoir que pour leur profit et ceux de leurs richissimes copains.
On nomme des ministres, des secrétaires d'Etat, qui proclament, la main sur le cœur, qu'il ont trouver THE plan qui va résoudre le problème. Les derniers en date s'appellent Borloo (alias "le social"), Sœur Boutin, ou Apparu. Inutile de leur chercher des excuses, ils n'en n'ont rien à faire. Rien. Oh, ils ne sont peut-être pas les seuls coupables, puisqu'on ne leur donne aucun moyen. Ils sont les collègues du long troupeau de politiciens qui assurent depuis bientôt 40 ans que l'emploi est leur priorité. Au final, il n'y a jamais eu autant de chômeurs. Ni de SDF. Ni de "clients" dans les Restos du Cœur et autres associations caritatives.
Sarkozy lui-même, en campagne électorale pour la Présidentielle de 2007, avait pondu cette perle : « Je veux, si je suis élu président de la République, que d’ici à deux ans, plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d’y mourir de froid. Parce que le droit à l’hébergement, je vais vous le dire, c’est une obligation humaine. Mes chers amis, comprenez-le bien : si on n'est plus choqué quand quelqu’un n’a pas un toit lorsque qu'il fait froid et qu’il est obligé de dormir dehors, c’est tout l’équilibre de la société où vous voulez que vos enfants vivent en paix qui s’en trouvera remis en cause ».
Deux ans plus tard, rien. Et je prends les paris que 20 ans plus tard, toujours rien. Sarkozy est un menteur, Sarkozy joue sur la corde de la grandeur d'âme pour faire voter les pauvres pour lui, Sarkozy s'en fout, seul le Fouquet's et le CAC 40 l'intéressent : Sarkozy est indigne de son mandat.
Pourtant, Sarkozy, reprenant une proposition de Chirac, cet autre bon profiteur notoire, a instauré cette mascarade de "droit au logement opposable", alias Dalo. Il est bien évident qu'un vagabond va aller voir un avocat qui va lui prendre 1000 euros avant même d'avoir répondu à sa première question…
Si ce gouvernement de nababs avait eu la moindre volonté de loger des sans-logis, il aurait aussitôt débloqué des crédits importants, et des grues auraient poussé comme des champignons, non pas pour construire une résidence privée pour rupins ou un parking Vinci, mais des logements sociaux. Partout, par dizaines de milliers. Or, rien. Que dalle. Pas une grue, tout le monde s'en moque. Neuilly culmine condescendammment et impunément à 2% de logements sociaux Antibes à peine 5.
Ironie, on apprend ces jours-ci que 50 000 logements sociaux seraient occupés par des "ménages" aux revenus supérieurs à 11 000 euros par mois Et principalement en région parisienne. Parmi ces usurpateurs criminels, il y a un certain Georges Tron. Le stratège de l'autostop de Balladur en 1995. Et secrétaire d'État à (la destruction de) la fonction publique. Ce hautain rupin fait mine de s'offusquer lorsque le Canard révèle qu'il occupe indûment une HLM depuis des années. Ce à quoi il répond "ce n'est pas une HLM". Pendant que des vieillards vagabonds crèvent de froid dans la rue, un membre du gouvernement joue avec les mots. Car même si son logement n'est pas une HLM stricto sensu, c'est assurément un logement social dont la décence exigerait qu'il en déguerpisse fissa. Mais non. Avec toute sa morgue, il reste.
En France, on n'a plus de sous, ma brave dame. Alors on peut pas construire de logements, hein ?
Pourtant on a bien claqué des milliards pour les banques (et on en claque encore ces jours-ci pour que les banques françaises puissent avoir une chance de récupérer leurs dettes irlandaises), pour l'automobile, pour les restaurateurs, pour "baisser les charges" des multinationales ou les impôts des riches.
Alors forcément, il n'en reste plus pour loger les vagabonds. Ni pour les retraites. Ni pour la Sécu. Ni pour les hôpitaux. Ni pour les Services Publics. Ni pour l'école. Ni pour les associations. Ni pour déneiger les voies de gauche. En attendant pire. C'est juste une question de priorité. Pour ces gens-là qui nous gouvernent, un banquier vaut infiniment plus que des vieillards dans la rue sous la neige. Ça a le mérite d'être clair.
Ces gens là sont des imposteurs, des escrocs, des nuisibles, et, n'ayons pas peur des mots, des assassins. Et ceux qui votent pour eux sont des irresponsables.
Qu'ils s'en aillent tous !