Dans une lettre aux chefs d’établissements des 8.300 établissements privés sous contrats avec l’État, Éric de Labarre, secrétaire général de l’enseignement catholique, a appelé ces derniers à prendre des initiatives "pédagogiques" contre le projet de loi sur le "mariage pour tous". Comme seule réponse à la mise en garde du ministre de l'Education Nationale Vincent Peillon, il a opposé une fin de non recevoir.
Le ministre doit prendre acte de cette rupture unilatérale des contrats, qu'il l'a fasse constater par le juge et que l'État mette fin aux subventions des écoles privées qui suivraient les consignes politiciennes de Monsieur De Labarre.
Liberté de conscience et séparation Église-État en danger
Le lobby clérical va donc sans vergogne instrumentaliser les élèves qui lui sont confiés dans un débat qui ne le regarde pas ! Derrière la tartufferie des formules, il appelle en fait à soutenir matériellement une mobilisation politicienne contre le gouvernement, rêvant sans doute de rééditer l’opération de 1984 contre la loi Savary.
L’UFAL tient à rappeler deux principes essentiels qui animent son combat laïque : la séparation des églises et de l’État, et la contestation du financement public de l’enseignement privé.
La liberté de conscience et le principe de séparation interdisent à tout organisme cultuel d’intervenir dans la sphère publique.
La loi de séparation du 9 décembre 1905, en proclamant que "la République ne reconnaît (…) aucun culte" a mis fin à la qualité d’établissements publics des cultes. Ni l’épiscopat, chargé de l’organisation du libre exercice du culte catholique, ni le secrétariat général de l’enseignement catholique, chargé d’organiser ledit enseignement dans le cadre de son "caractère propre" religieux, n’ont la moindre qualité à intervenir en la matière. Le débat concerne en effet, non le mariage religieux, mais le mariage civil, c’est-à-dire la "sphère publique", dont les organismes religieux sont par définition exclus.
Bien évidemment, les catholiques, comme tous les autres citoyens, voire "l’Église", au sens de "la communauté des croyants", sont parfaitement libres de s’exprimer. Mais leurs points de vue sont forcément contradictoires et une grande partie d’entre eux n’est pas prête à soutenir l’opération politicienne de la droite. Nul organisme religieux ne peut prétendre "représenter" les citoyens. La liberté de conscience assurée par la République fait de chaque individu le seul détenteur de ses choix.
Rupture unilatérale du contrat
L’enseignement catholique viole ses obligations contractuelles : qu’il soit mis fin à son financement !
Depuis la loi Debré de 1959, et la loi Guermeur de 1977, l’enseignement scolaire en France repose sur un système dual : d’un côté, l’école publique, gérée et financée par l’État, de l’autre, les écoles privées, dont la majorité se réclament d’un caractère confessionnel.
Parmi ces écoles privées, une faible partie dépend des seuls financements privés. La plupart bénéficient de "contrats" (simples ou "d’association" au service public) leur permettant de faire rémunérer leurs enseignants par l’État et de bénéficier de subventions des collectivités locales.
Certes, le Conseil constitutionnel a, en 1977, inventé le principe du "respect du caractère propre des établissements privés sous contrat". Mais les limites en ont été clairement énoncées : respect de la liberté de conscience et obligation aux maîtres d’observer un devoir de réserve.
Aucune de ces obligations n’est respectée en l’espèce, par l’intrusion cléricale de l’enseignement catholique dans un débat qui ne concerne que les lois de la République, laquelle le finance pourtant, grâce à la complaisance de la droite, depuis 1959.
Puisque l’enseignement catholique mord la mamelle qui le nourrit, l’UFAL appelle le ministre à prendre acte de cette rupture unilatérale des contrats et à la faire constater par le juge. Elle appelle les collectivités locales à mettre fin au subventionnement des écoles privées qui suivraient les consignes politiciennes de M. De Labarre.
L’UFAL, héritière des engagements laïques du Serment de Vincennes de 1960 (contre la loi Debré), estime que la République a ainsi l’occasion de revenir sur les lois anti-laïques permettant le financement de l’enseignement confessionnel.