Échaudée par les promesses d'hier du candidat Sarkozy, la population fragilisée de Rethel a accueilli fraîchement le Président.
Aux sidérurgistes de Gandrange, qui, voilà quelques mois lui scandaient sous la voûte géante d'Arcelor « On veut garder nos emplois », il avait répondu : « Je reviendrai en Lorraine ». Promis, promis... Aux poignées d'Ardennais massés hier derrière les barrières métalliques au pied de la place de la mairie de Rethel l'implorant « On veut des entreprises » il a répondu par des « Merci, merci... ».
Au-delà de l'exercice traditionnel de communication d'une séance extérieure dédiée aux micros et caméras, aux allures d'un tiède bain de foule au pied du « Marcassin », le bar du centre ville, le chef de l'État a fait un retour sur la pointe des pieds au cœur d'une région où la crise économique, plus qu'ailleurs, baigne le quotidien. Et où la météo, comme hier, douche davantage les perspectives d'avenir.
Entre une manifestation maintenue à distance par les forces de l'ordre des cinquante salariés licenciés de la Sopal (Givet), des banderoles « La jeune France souffre », des slogans syndicaux et des injures teintées d'amertume, l'exercice du pouvoir se heurte à la réalité pour le Président de la République.
« Déjà, il nous avait tout promis »
Deux ans après le « travailler plus pour gagner plus » initié avec le succès médiatique que l'on sait à quelques kilomètres de là, les contrats aidés sont revenus par la force des choses sur le devant de la scène de la salle des fêtes de Rethel, aux murs couverts de tissus bleus, tachés par les pluies infiltrées du toit.
Un accueil modéré, là encore, tout juste entretenu par les honorables clameurs d'adhérents UMP regroupés pour l'occasion dans les bus, avec étape protocolaire par le pôle emploi des lieux. Chômeur de 27 ans, Freddy Blemont hausse les épaules sous sa veste de jean où dépasse une capuche sweat rouge. « J'étais déjà présent lorsqu'il est venu visiter le lycée agricole de Rethel, voilà deux ans » glisse, acerbe, le jeune homme. « Et déjà, il nous avait tout promis. Cette fois, c'est pareil, il va faire son annonce et repartir. Mais ma situation personnelle, elle, ne changera pas. Je ne suis pas difficile, mais je resterai à la recherche d'un boulot ». Il y a deux ans, déjà, il était couvert par un CAE, un autre contrat aidé. A ce jour, tous ses envois de CV dans les entreprises ardennaises restent stériles.
« Il est venu faire le beau »
L'emploi s'affiche comme la priorité d'un Président au cœur d'un département affaibli. Rare maire de droite dans un périmètre historiquement ancré à gauche, Guy Deramaix a mitonné pour la presse un panier garni avec les spécialités gustatives des Ardennes. Mais la visite de Nicolas Sarkozy passe mal pour les populations fragilisées. « Il est venu faire le beau chez nous pour nous endormir » peste Jessica Denis, 23 ans, entourée des membres de sa famille. Survêtement aux couleurs de l'OM sur les épaules, la jeune femme multiplie les demandes auprès des organismes sociaux. En vain. « Il n'y a plus de boulot ici. Et même les contrats d'intérim tendent à se raréfier. Le résultat, c'est qu'à la fin du mois on crève tous la dalle cependant que le président, lui, a augmenté ses revenus de 70 % ». Larmes aux yeux, le jeune Kevin Fossier, 18 ans à peine, est encore plus amer. Les nerfs à vif, cet élève en baccalauréat pro de maintenance à Rethel, hurle son mal-être cependant que l'escorte ramène Nicolas Sarkozy sur la route de l'avion. Direction les Yvelines pour y rencontrer Gordon Brown dans une résidence privée. De la détresse humaine ardennaise aux enjeux de l'Europe; des incantations libérales d'hier aux mesures étatiques aujourd'hui dictées par l'urgence : c'était décidément la journée des grands écarts. Largement inspiré par l'Est Républicain