DROITE ET GAUCHE CE N'EST PAS PAREIL
François Fillon a publié 35 propositions pour la France . La politique, c'est d'abord le débat d'idées : voilà 35 mesures précises à partir desquelles on peut discuter. Grande satisfaction de ma part : ce programme souligne fortement la différence entre la droite et la gauche. Quand on pense que certains ne veulent pas la voir ! Ce sont des hypocrites : trop facile de renvoyer tout le monde dos-à-dos !
Vraiment marqué à droite, Fillon ? Mais oui, et ce n'est pas moi qui le dis, c'est Le Figaro , fin connaisseur en la matière : "propositions radicales", "libéral assumé", "nettement de droite", voilà ce qu'en pense le journal. D'abord, pour bien tracer son territoire, François Fillon propose de revenir sur trois réformes très symboliques de la gauche : les 35 heures, l'ISF (l'impôt sur les grosses fortunes) et la CMU (gratuité totale des soins pour les plus démunis).
Réduire le temps de travail, taxer les plus riches et protéger les plus pauvres, c'est l'ADN, le disque dur de l'homme de gauche, à quoi François Fillon s'attaque. Au moins, les choses sont claires. Et à ceux qui chercheraient des différences fondamentales entre lui et Sarkozy, ce serait peine perdu : il n'y a pas le gentil ancien Premier ministre d'un côté et le violent ex-président de l'autre ; au contraire, Fillon ose des réformes que Sarkozy n'avait pas osées.
Mais il y a plus et pire à mes yeux : François Fillon remet en cause un principe républicain, déjà en vigueur sous la monarchie, sous le nom de "droit du sol". Il s'agit de l'acquisition automatique de la nationalité française à tout enfant d'immigrés né en France. C'est, pour moi, un principe absolu, intangible, irréversible. Si on touche à ça, on rame en direction du FN, on abîme le contrat social qui unit les citoyens de la République française, on contrevient à un principe que la Grande Révolution avait solennellement réaffirmé.
Imaginez un peu : des enfants nés en France, vivant toute leur jeunesse dans ce pays qui est leur pays, scolarisés ici et qui ne seraient pas considérés comme des Français à part entière, qui ne bénéficieraient pas des mêmes droits que leurs petits camarades ? Je pèse mes mots : ce serait dégueulasse. Nous souffrons déjà de problèmes d'intégration : veut-on en créer d'autres, et de pires, en ghettoïsant encore plus une partie de la jeunesse ? Quand on est né en France et qu'on y vit durablement, on est français, un point c'est tout. Que d'autres démocraties européennes ne raisonnent pas ainsi, ça les regarde : moi, je m'inscris dans notre tradition nationale et républicaine, je ne vais pas chercher mes modèles ailleurs.
Je retiendrais deux autres propositions de François Fillon qui entraînent mon désaccord : remplacer l'indemnisation du chômage par une indemnisation de formation (comme si l'allocation-chômage n'était pas entièrement un droit, comme s'il fallait absolument la corréler à autre chose, comme si le problème n'était pas le manque d'emplois mais la motivation du chômeur) ; instaurer le port de l'uniforme à l'école (belle hypocrisie là aussi : cacher les marques de richesse pour établir une pseudo-égalité, laisser croire que l'autorité des enseignants sera renforcée par le retour de la blouse de grand-papa).
La philosophie politique de François Fillon est assez simple : les riches sont trop contrôlés et les pauvres pas assez ; il faut se méfier de ceux-ci parce qu'ils mettent de la mauvaise volonté, il faut encourager ceux-là parce qu'ils sont pleins de bonne intention. Je caricature à peine, juste ce qu'il faut pour faire ressortir la logique d'une pensée qui n'est pas la mienne .
En tout cas, le débat est lancé, le clivage droite-gauche est tracé et 2017 n'est pas si loin que ça !