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  • FRANCOIS HOLLANDE :STOP BASHING

    Dans trois mois François Hollande va fêter son 2ème anniversaire à l’Elysée. Sa côte de popularité est au plus bas et il semble difficile de penser la voir baisser encore plus. Depuis 2 ans, l’opposition de droite fait son boulot et tire à boulets rouges sur l’action gouvernementale, quitte à se dédire… Le précédent gouvernement met en place les portiques écotaxe ? Les mêmes soutiendront les Bonnets Rouges dans leur combat contre les portiques. Le précédent gouvernement redéfinit les attributions de l’Education Nationale en précisant dans la loi que le ministre « contribue à la définition et à la mise en œuvre de la politique du Gouvernement en matière d’égalité des chances et de lutte contre les discriminations ». Dans ce cadre, l’UMP écrit en 2011 dans sa définition du pacte républicain qu’ « il faut aider les filles et les garçons à percevoir positivement leur genre et celui du sexe opposé ». Deux ans et demi plus tard, d’anciens ministres comme Bruno Lemaire annonce que l’école primaire n’est là que pour apprendre à lire, écrire et compter et que le reste n’est que du ressort des parents… De la même façon Rachida Dati n’hésite pas à critiquer publiquement Christiane Taubira pour une application d’une loi judiciaire mise en place en 2009 par elle-même.

    Si seule l’opposition de droite se ridiculisait en revenant sur ses propres lois, François Hollande serait bien plus haut dans les sondages. Mais il manque une union à gauche. On s’attendait à voir un Jean-Luc Mélenchon donner de la voix. Il le faisait déjà durant le campagne présidentielle contre le candidat Hollande, il continue sur le même registre après l’élection. En tapant de manière irréfléchie contre la politique de François Hollande, il ne fait pas le jeu de sa formation politique mais pousse les Français à se dire que la gauche au pouvoir est un échec.

    On s’attendait un peu moins à voir une minorité de membres influents du Parti Socialiste se joindre au flot de critiques ambiantes. Bien sur qu’ils ont en partie raison et que d’autres politiques sont possibles. Mais en critiquant ouvertement le gouvernement, eux aussi font le jeu de l’opposition. Surtout que cette opposition de principe ne respecte en rien le choix des Français qui furent plus de 3 millions à venir voter lors de la primaire citoyenne et faire ressortir assez largement François Hollande (et non l’aile gauche du PS). Ils ne respectent pas non plus le choix des militants socialistes qui ne furent que 13 % à voter pour la motion portée par l’aile gauche du PS.

    Avec toutes ces critiques venant de partout, on en oublie que le gouvernement a à son actif de belles réalisations. Commençons pas la réalisation la moins remarquée, la politique d’immigration de Manuel Valls. Depuis 2012, le ministre de l’Intérieur a abolit la circulaire Guéant qui empêchait les étudiants étrangers qui obtenaient un diplôme en France d’entrer dans la vie active dans ce pays. Il a également respecté la promesse électorale de François Hollande en assouplissant les critères de naturalisation, résultats, en 2013 les indicateurs sont à la hausse (+ 6 % de visas étudiants ; + 13 % de naturalisations).

    Autre grand marqueur socialiste, l’action de Michel Sapin au Ministère du Travail où il réalise un boulot monstre pour redonner un sens au dialogue social. Depuis 2 ans, aucun projet de loi impactant le monde du travail n’est réalisé sans un accord avec les partenaires sociaux. On est loin du mépris sarkoziste envers ces mêmes syndicats.

    Dernier exemple, la lutte contre le chômage. Bien sur la courbe générale du chômage n’a pas pu être inversée avant la fin de l’année 2013 même si elle a vu sa première baisse depuis avril 2011. En revanche il y a moins de chômeurs de moins de 25 ans en décembre 2013 qu’il y en avait en janvier 2013.

    Il est l’heure de se ressaisir. Après 10 années de critiques de gouvernements de droite, la gauche et surtout le PS doit savoir arrêter sa critique à tout va pour insister sur les réussites du gouvernement. La côte de popularité du président de la République et surtout les succès aux futures échéances électorales sont en jeu. Il est temps d’arrêter le bashing gouvernemental. Le gouvernement aura besoin de soutiens pour faire passer la future réforme pénale, pour continuer sa campagne pour plus de créations d’emplois, pour continuer le redressement du pays.

     

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    Cyril Marcant

  • ETAT D'URGENCE DE MARIO SUARES

    « L’austérité conduit l’Europe vers la dictature », déclare l’ancien Président socialiste portugais Mario Soares, « la révolution est inévitable en Europe »

     par Gérard Filoche

     
     

    « État d’urgence » du Portugal à l’Europe, de Mario Soares

    Mario Soares, 88 ans, ex- premier ministre, (1976-78 et 1983-1985) et ancien président socialiste de la République portugaise (1986 à 1996) , vient de publier aux Éditions de la différence un petit livre de 140 pages qui devrait faire événement par la vigueur de sa dénonciation de « l’austérité libérale qui conduit l’Europe à la dictature ».

    Politique d’austérité criminelle

    « La crise de la zone euro – provoquées par l’idéologie néolibérale et par la politique d’austérité imposée principalement par l’Allemagne de la chancelière Merkel – a mené le Portugal et presque tous les autres pays de la monnaie unique à la ruine ».

    « Il faut en finir avec cette crise maintenant », reprend Mario Soares avec le prix Nobel Paul Krugman.« Il faut réduire drastiquement cette « maudite » politique d’austérité (qu’il qualifie même de « criminelle » – p.97) pour faire reculer la récession dans les pays en proie aux marchés spéculatifs et faire baisser le fléau du chômage. »

    « Le Portugal vit ses pires moments depuis 1974 » s’exclame Mario Soares qui demande carrément au Parti socialiste de ne pas « rester entre deux » et de voter avec le PCP la condamnation du gouvernement de droite PDS CDS-PP de Pedro Passos Coelho. « Il est en train de tuer le pays, à cause de sa politique néolibérale qui exige la stabilité et le paiement à la troïka (formée par le FMI, la BCE, et la commission européenne), elle-même vassale des marchés qui ne pensent qu’à gagner de l’argent. »

    Dette : « nous ne paierons pas »

    « On nous oblige à payer des intérêts exorbitants en échange de leur prêt. Je suis partisan de la méthode de l’Argentine et du Brésil qui, lorsqu’ils se sont trouvés dans cette situation, ont dit : “nous ne paierons pas”. Il n’ont pas payé et personne n’est mort, bien au contraire ».

    Paralysé, le gouvernement de droite a dû reculer, et s’embourbe. Et en attendant il enfonce le pays dans la misère, proposant de supprimer 208 000 emplois en 2014, avec les plus grandes coupes jamais réalisées dans les dépenses sociales… Comme partout la droite imbécile veut vendre, ici la TAP (transports aériens portugais) et les CTT (Correios de Portugal, créée en 1520) qui dégagent pourtant 74 millions d’euros de bénéfice, et veut fermer 200 bureaux de Poste. Mais quand ils ont voulu, sur ordre de la Commisssion européenne, baisser les cotisations sociales patronales de 22,5 à 18, 5 % et hausser les cotisations salariales de 11,5 % à 18,5 %, il y a eu 1,5 million de manifestants en mars 2013 (l’équivalent de 11 millions en France) et le sale projet a été annulé.

    Unité de toute la gauche

    Mario Soares pousse le PS à son congrès de Santa Maria da Feira à « donner un nouveau souffle à la gauche » (contre l’austérité, pour le plein emploi, et l’État social) par un dialogue avec le Bloc et le PCP lui-même, et les syndicats UGT et CGTP. Il s’est fait acteur pour que les alliances entre ces forces de gauche progressent. Il appelle le nouveau leader du PS, Antonio José Seguro, à pousser les feux en ce sens ; ce serait le premier gouvernement de coalition de toute la gauche au Portugal surmontant les divisions des années révolutionnaires de 1974-76.

    En septembre 2012 et mars 2013, le refus des mesures de la troïka, a donné d’énormes mobilisations de masse sans précédent depuis la révolution des Œillets. Elles poussèrent aux « rencontres de toute la gauche » : le 30 mai 2013 dans un grand amphithéâtre de l’Université de Lisbonne, archi-bondé, devant 2300 personnes, PS, PS PCP, Bloc de gauche, ont engagé la voie pour « libérer le Portugal de l’austérité ». Et, de fait, le Portugal est le pays le plus mobilisé d’Europe.

    Révolution au Portugal et en Europe : inévitable

    Mario Soares, appelle au départ de ce gouvernement qui détruit l’État social et la démocratie : « J’espère que le jour de son départ pour notre bien à tous, est proche et que retentira une explosion de joie pacifique semblable à celle de la révolution des Œillets ».

    « Un jour viendra – plutôt proche que lointain – où tout changera dans la politique, dans les finances et surtout dans l’éthique, pour le bien du Portugal et des Portugais. Parce que c’est toute l’Europe qui est en crise et qu’elle ne va pas se laisser entrainer dans le gouffre ».

    « il est aujourd’hui prouvé que l’austérité ne profite qu’aux marchés spéculatifs et à ceux qui les commandent. Mais elle ravage les États et les peuples. Et pas seulement les États dits périphériques ou du sud, comme on l’a prétendu un peu vite. Voyez la Hollande, la France et l’Allemagne. »

    Soares serait à la gauche socialiste aujourd’hui en France : « Le dilemme est simple : ou on lutte contre le chômage, la pauvreté généralisée, la récession et on garantit l’état social, dans tous ses aspects, tant qu’il est encore temps, ou l’Union européenne sombre dans le chaos. » (p.93)

    Il rappelle les souvenirs du 25 avril 1974, il y a 40 ans et de Grandola Vila Morena la chanson de la révolution qui est a nouveau entonnée partout. « Quant à une révolution (pacifique !) en Europe, pour mettre un terme à la crise, elle arrivera en son temps. C’est inévitable. J’espère que le Portugal y contribuera par son exemple. »

  • C'ETAIT IL Y 80 ANS

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    Le 6 février 1934, plusieurs manifestations ont lieu simultanément à Paris. Les ligues (on vient de les baptiser « collectifs ») d’extrême-droite, qui jouent un rôle très important dans l’entre-deux-guerres, notamment lorsque la gauche est au pouvoir, ce qui est le cas depuis les élections législatives de 1932, forment plusieurs cortèges… La crise est là ! Le phénomène se renouvellera chaque fois que l’on est dans la même situation…Battue sur le plan politique, la droite exploite alors le fond réactionnaire d’une France ancrée dans des certitudes passéistes. La stratégie est la même : toute transformation sociale est affectée d’une vision moraliste, de telle manière qu’elle mobilise les tenants silencieux des privilèges. Les fameuses « Ligues » des années 30 ont trouvé de manière plus ou moins voilée (excusez-moi pour ce terme!) des repreneurs depuis quelques mois avec des bonnets rouges, noirs ou… bruns:!

    En effet, parmi les principales ligues présentes le 6 février 1934, la plus ancienne on trouvait être l’Action française. Fondée en 1898/1899 par un trio Maurice Pujo, Henri Vaugeois et surtout Charles Maurras, elle s’était donné pour mission fondatrice de renverser la République afin de revenir à la Monarchie, c’est à dire à une époque où la morale était respectueuse de la religion (relire Tartuffe!). Il est certain que dans les manifestations actuelles contre le « mariage pour tous », contre les impôts, contre le Président élu de la République, devenues des alibis à l’éructation de slogans proprement hostiles à la représentation parlementaire majoritaire, le pouvoir de Droit divin a ses partisans ! L’ordre moral constitue la base de ces rassemblements véritablement politiciens, exploitant des appréciations totalement différentes de la loi. Homophobes, intégristes religieux, illuminé(e)s en tous genres, exploiteurs de tous poils, se retrouvent unis dans une seule haine : celle de la gauche !
    En 1934 la contestation violente s’appuie sur les « Camelots du Roi » qui, malgré des effectifs assez limités, sont très actifs dans la rue. On retrouve aussi les « Jeunesses patriotes », qui revendiquent 90 000 membres, dont 1 500 font partie des « groupes mobiles » (Tiens donc. Des groupes mobiles?). On y ajoute un zeste de « Solidarité française », fondée par le richissime parfumeur François Coty et une pincée du « Francisme » pour obtenir un cocktail très similaire à la composition actuelle des manifestations spontanées organisées devant l’Assemblée nationale. Il y manque les nostalgiques de la Grande guerre réunis par le Colonel de la Rocque, sous le célèbre patronyme des « Croix de feu », mais on ne tardera pas à y retrouver « La ligue des contribuables » qui s’attaque aux hommes politiques réputés tous, absolument tous, corrompus et malhonnêtes.
    Les ligues de droite et d’anciens combattants avaient appelé à se réunir en face de la Chambre des députés. Tous se mobilisent sur le thème : « À bas les voleurs ! » avec en première ligne l’extrême droite. Progressivement, les violences vont aller crescendo avec une tentative de « conquête » du Palais Bourbon, qui contraindra les forces de l’ordre à tirer face à des manifestants parfois en armes ! Il y aura de très nombreux blessés et plusieurs morts… au nom de la liberté de manifester. Quelques années plus tard, ce type de rassemblement dégénérera en attaque raciste contre des lieux ou des personnes ne convenant pas à l’ordre moral. On conspue les juifs, on implore Dieu, on s’attaque aux symboles républicains.
    Maintenant, l’UMP qui a oxygéné depuis des années la « bête immonde » de l’intolérance tente de pallier au plus pressé et d’échapper à sa responsabilité. Ses responsables font profil bas vis à vis de ce conglomérat qui bouffe du « Hollande » à la croûte rouge à tous les repas idéologiques ! Le dilemme est cruel face à la radicalisation de la rue, car au fil des soirées, plus personne ne contrôle ce monstre haineux et violent. Officiellement, on condamne toutes les violences ponctuelles visibles, mais sans désavouer l’ensemble des manifestants chauffés à blanc et qui pourraient maintenant se retourner contre leurs inspirateurs.

    En 1934 la droite n’était plus républicaine que dans ses affirmations publiques, car elle était déjà dépassée par ses extrêmes ligués contre la démocratie parlementaire, contre le suffrage universel. Elle appelait à la démission du gouvernement, du Président et des Ministres. On a franchi la ligne jaune, et il est impossible de ne pas penser au titre du journal de « L’Action Française » du 7 février 1934 « Après les voleurs, les assassins ». Ne croyez surtout pas ceux qui prétendent que l’Histoire ne sert pas deux fois le même poison ! Toute ressemblance avec les personnes actuelles n’est pas pure coïncidence !

     

     

     

  • FRANCE , REGIONS , DEPARTEMENTS

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    EXCELLENT ARTICLE DU MRC JEAN MARC NICOLLE

     

    L’organisation de la République est décentralisée, mais la France reste un Etat « indivisible ». Le principe jacobin de l’égalité de tous devant les pouvoirs publics quelque soit le territoire où l’on vit est essentiel pour assurer la cohésion nationale. Le citoyen bénéficie des mêmes droits et devoirs qu’il réside dans les régions de Bretagne, Picardie ou Limousin, dans les départements du Finistère, de l’Oise, ou de la Creuse.

    Chaque niveau de collectivités correspond à un regard porté sur l’action publique toujours plus fin en direction du citoyen : aux régions, les grandes compétences d’aménagement du territoire, de développement économique et de transports, bref une vision d’ensemble assez large et englobante. Aux départements, l’aide et l’urgence sociale, l’entretien des routes, mais aussi les collèges, en somme, une partie de la vie quotidienne des administrés. Au bloc communale (intercommunalités et communes), la police, l’urbanisme, l’école, l’état-civil, l’environnement, d’une certaine manière les compétences les plus proches des citoyens lorsqu’ils font leurs premiers pas vers l’administration. Cette répartition des compétences permet aux Français de bénéficier de services publics à échelle humaine. Supprimer des collectivités en les fusionnant reviendrait à perdre une partie du bénéfice que nous disposons de par leur existence.

    Une France bien administrée, c’est une France qui doit faire confiance à ses maires et présidents d’intercommunalités, de conseils généraux et régionaux. Nous n’avons pas trop de régions ou de départements. On nous fait souvent comparer la France à l’Allemagne, en nous invitant à prendre exemple sur ce pays. Mais c’est oublier que l’Allemagne est un Etat-fédéral, un tiers plus petit que la France et qui connait le même nombre de subdivisions administratives que nous : Länder, Kreise (arrondissements) et communes. Alors ce débat, sur le nombre de collectivités n’a pas de sens car la comparaison ne tient pas. Se pose toujours la question des économies : est-ce qu’avoir moins de collectivités entrainerait moins de dépense publique ? Ce n’est pas sûr car les compétences resteraient les mêmes. Mais au-delà de l’aspect financier, ce qui m’interpelle, c’est toujours ce discours sur l’action de la puissance publique. Les biens – pensants souhaitent diminuer les dépenses de l’Etat et des collectivités pour payer moins d’impôt, comme s’il était une entrave à leur épanouissement personnel. La vérité est que la puissance publique dans son ensemble œuvre pour tous et, faut-il encore le rappeler ?, que les services publics sont le capital de ceux qui n’en ont pas. Voilà aussi pourquoi, ce discours sur moins de collectivités locales me gêne, car il véhicule une vision libérale contraire à l’esprit même de la République (la chose publique, donc le bien de tous).

    Dans son programme présidentiel, François Hollande promettait de donner un pouvoir réglementaire aux régions et de ratifier la Charte européenne des langues régionales. Le premier point a été rappelé par le président de la République lors de sa dernière conférence de presse et le deuxième point par le Premier ministre avant Noël à l’occasion du règlement de l’affaire des « bonnets rouges » bretons. Je crois que sur ce sujet, il faut en revenir aux fondamentaux de la République : la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » (article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen), la langue de la République est le Français (article 2 de la Constitution de 1958). Veillons à conserver ce qui fait l’unité de la République. Devons nous à ce point faire si peut confiance en nos valeurs pour prendre exemple sur d’autres pays ? La République a fait ses preuves. La France est par nature un Etat centralisé. C’est son unité qui fait sa force.

    D’aucuns, des sociaux démocrates, sociaux-libéraux et autres chrétiens démocrates, rêvent d’une Europe des régions, sans Etats et Nations. Or, la réalité politique que l’on observe depuis les Lumières et qui est consécutive de l’affirmation de la démocratie, c’est justement l’Etat-Nation, source de la souveraineté du peuple. Défaire les Nations pour faire l’Europe des régions (transmutées pour l’occasion en Länder), c’est nier la démocratie, nier les valeurs de la République et revenir à une Europe politiquement éclatée et aux pouvoirs impuissants tels qu’ils étaient à l’époque féodale.      

  • BRESIL : RESISTANCE LE GRAND NETTOYAGE

    Chargée depuis 2012, au sein d’Amnesty International Brésil, de suivre le dossier des expulsions forcées, Renata Neder, assure que la proximité avec les habitants des favelas et les mouvements sociaux est indispensable pour comprendre les réalités du terrain et accomplir efficacement sa mission. À condition, pour Amnesty International, de savoir conserver la bonne distance. Entretien

     

    Après la vague d’expulsions forcées de 2010 et 2011, quelle est la situation pour les habitants des favelas de Rio de Janeiro ?
    Il existe, aujourd’hui encore, de nombreuses favelas dans lesquelles les habitants sont menacés d’expulsion. Ces menaces sont de deux types : d’abord les grands travaux d’aménagements urbains liés aux méga-événements tels que la Coupe du monde 2014 et les jeux Olympiques 2016 ; ensuite les expulsions lorsque les autorités estiment que les favelas sont construites sur des zones dites à risques, notamment d’effondrements ou d’inondations. Aujourd’hui, les principales menaces d’expulsions sont liées à la construction, en cours ou à venir, de trois axes routiers qui traversent la ville : la TransOlimpica, la TransCarioca et la TransBrasil. Un autre axe routier, la TransOeste, a été achevé l’an dernier. Sa réalisation a donné lieu à de massifs et violents déplacements de populations et nous savons que ces trois autres chantiers ont déjà et vont encore en entraîner. La question est de savoir dans quelles conditions vont se réaliser ces déplacements.

    Comment analysez-vous les expulsions forcées survenues à Rio de Janeiro depuis l’attribution de la Coupe du monde, puis des jeux Olympiques ?
    Lorsque l’on regarde en arrière, on s’aperçoit que les expulsions forcées ont souvent été accompagnées d’une série récurrente de violations des droits. Parmi elles, le manque d’accès aux informations liées aux projets (planification des travaux, dates de déplacements prévus des populations). La plupart du temps, il n’existe aucun dialogue avec les communautés afin d’évoquer les alternatives à un déplacement, notamment en réalisant des travaux de contention. Lorsque des solutions sont évoquées, toute une série de problèmes se pose comme des propositions d’indemnisations très faibles, qui poussent les habitants à demeurer dans des logements informels et précaires. Ou alors, les relogements proposés se trouvent dans des lieux très distants.

    Dans ce contexte, en quoi consiste le travail d’Amnesty Brésil ?
    Amnesty International n’a ouvert son antenne au Brésil qu’en 2012. Jusque-là, le travail avait été réalisé à distance à partir d’informations récoltées auprès de partenaires locaux. Depuis, la nature du travail a évolué. D’abord, le fait que nous soyons plus près de la réalité change les relations que nous avons avec les habitants des favelas et avec les partenaires locaux. Ensuite, nous nous étions fixés comme objectif de produire rapidement davantage de contenu et d’avoir une incidence politique sur les autorités locales. Nous nous sommes donc impliqués dans deux collectifs importants : le « Comité populaire pour la coupe et les jeux Olympiques », regroupant des dizaines d’associations et de mouvements sociaux de l’ensemble du Brésil, et le « Forum communautaire du port », qui accompagne spécifiquement la favela de Morro da Providencia.

    Cette proximité avec les habitants de ces communautés atteintes ou menacées d’expulsion a-t-elle des conséquences sur votre mission ?
    Oui, car c’est nouveau pour nous et nous devons donc apprendre à gérer cette relation. D’abord parce que, face à de très nombreuses violations de droits, choisir est très difficile. En outre, beaucoup d’habitants des favelas, sachant le poids que représente Amnesty International, nous sollicitent directement. Nous recevons ainsi fréquemment des appels qui nous disent : « il est en train de se passer quelque chose ici et en ce moment, est-ce que vous pouvez venir ? » Ou alors : « il va y avoir un acte public à telle date et nous aimerions qu’Amnesty soit présente à nos côtés ». Il y a donc une demande plus importante par le simple fait que nous soyons présents dans ces espaces. Du coup, nous vivons parfois un dilemme face à ces sollicitations. Car la tendance est évidemment de réagir rapidement alors que parfois, il faudrait prendre un peu de recul pour agir à moyen terme et avoir une action plus stratégique. Alors à défaut d’aller sur place, nous actionnons nos réseaux pour que des réponses immédiates et efficaces soient données. Nous devons aussi expliquer de manière pédagogique le travail d’Amnesty International.

    Comment travaillez-vous avec les autres organisations et mouvements ?
    La relation se construit progressivement. Le Brésil est un pays où la société civile est très forte et organisée, où les mouvements sociaux sont puissants et où certains d’entre eux travaillent sur le droit au logement depuis des décennies. C’est un point très important, car on ne peut pas imaginer un seul instant travailler sur ce thème des expulsions forcées sans le faire de manière articulée avec les autres mouvements. Sauf que nous devons faire attention à certaines choses.

    Nous sommes conscients qu’Amnesty International a un poids énorme et nous ne voulons offusquer aucune organisation locale sur le thème des expulsions. Donc notre philosophie est de construire des relations qui permettent de renforcer la visibilité de ces organisations et non le contraire. C’est vrai en particulier avec les médias. Résultat, nous incluons toujours dans nos interventions cette notion de partenariat et rappelons qu’il existe des acteurs locaux compétents. Ceci étant, nous avons besoin, nous aussi, de visibilité. Car nous sommes ici également pour construire une base de militantisme, pour capter des financements. Il nous faut donc trouver le bon dosage et ça change d’une situation à l’autre.

    Extrait de La Chronique de décembre 2013


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    Faites-vous également un travail ayant des incidences politiques ?
    Oui, c’est une part importante de notre mission. Notamment auprès des autorités municipales car ce sont elles, pour l’essentiel, qui ont le pouvoir d’expulser ou pas. Et donc de ne pas violer les droits. Ce travail a existé très tôt. Avant même d’établir une stratégie, nous avons en effet enquêté sur la situation des expulsions à Rio et découvert de nombreuses irrégularités.

    Nous avons donc sollicité la mairie pour vérifier un certain nombre de choses. Reçus après plusieurs mois d’attente, nous avons obtenu des réponses à nos questions. Certaines satisfaisantes, d’autres pas. Nous avons été très francs, en expliquant que nous avions découvert des irrégularités qui constituaient des violations, que nous allions les dénoncer et lancer une campagne contre les expulsions forcées.

    Cette démarche a été payante, car nous avons désormais des contacts directs à la mairie, avec le maire lui-même et le Secrétaire municipal d’habitation. L’incidence politique est donc double : dans le cadre de réunions fermées, mais aussi publiquement, car nous savons que les autorités municipales sont très sensibles à la réaction de l’opinion publique.

    Quels sont les défis et perspectives pour les années qui viennent ?
    2014 est une année très importante. Il va y avoir la Coupe du monde et cet événement va occuper les agendas. Ça dépasse le problème des expulsions forcées, car Amnesty International sait par expérience que de tels événements s’accompagnent toujours de violations de divers droits.

    Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à jeter un œil sur la Loi générale de la Coupe récemment votée. Elle caractérise de nouveaux crimes, criminalise la protestation sociale durant les grands événements, crée pour la première fois au Brésil le crime de terrorisme et va empêcher de travailler des milliers de vendeurs de rue, dans un pays où le travail informel représente près de la moitié de l’emploi total. Mais notre travail contre les expulsions forcées reste au centre de nos préoccupations. D’autant qu’au nom de la mobilité urbaine, les expulsions forcées continueront bien après les jeux Olympiques de 2016.

    Propos recueillis par Jean-Claude Gerez

  • HISTOIRE ANCIENNE , HISTOIRE D'AUJOURD'HUI

    Une histoire un peu ancienne

    «Il faut protéger le peuple Rom». C'est le titre d'un article paru en février 2002, dans le journal Le Monde, et signé par cinq personnes : Georges Yoram Federmann, psychiatre; Pierre Mertens, écrivain; Véronique Nahoum Grappe, sociologue; Jean-Marc Turine, producteur radio et Pierre Vidal-Naquet, historien.

     

    Ce texte a plus de dix ans, mais la situation inhumaine qu'il décrit n'a pas évolué d'un pouce, au contraire : en France, les Roms continuent d'être traités comme des «citoyens de second ordre», pour reprendre les mots du porte-parole des Roms de Zamoly, en Hongrie. Nous sommes quelques uns à lutter pour empêcher les discriminations de continuer, mais l'acharnement des différents ministres de l'Intérieur, la mauvaise volonté des élus locaux et de leurs administrations parvient finalement à aggraver la situation sanitaire et humaine de ces familles.

     

    La lutte sur le terrain, menée par une centaine de collectifs et d'individus, solidaires avec les Rom de leur commune, de leur quartier, ne peut remporter que de fragiles victoires, quelques mois d'un répit forcément précaire quand, face à ces collectifs, se dresse l'aveuglement d'un Etat qui continue, obstinément et à travers les gouvernements successifs, de diriger une politique anti-tsigane qui sur le plan électoral, malheureusement, semble toujours payante.

     

    Mais l'histoire que raconte cet article est aussi millénaire. Elle continue dans l'Europe d'aujourd'hui, et j'ai l'impression qu'elle nous annonce le pire : ni plus ni moins que la possibilité d'un autre génocide, dans l'Europe du XXIe siècle que nous avons décidé d'habiter.

     

    Voici le texte de cet article, puisqu'il n'est consultable que pour les abonnés au Monde :

     

    «Il faut protéger le peuple Rom

     

    En juillet 2000, un groupe de 52 personnes, Tsiganes en provenance de Zamoly (Hongrie), est arrivé à Strasbourg. C'est une historienne, Katy Katz, Israélienne d'origine hongroise, qui leur a payé le voyage en car de Zamoly à Strasbourg. Michel Warchawsky, Israélien militant pour la paix, a averti quelques-uns de ses amis strasbourgeois de leur arrivée. Ces Tsiganes hongrois sont arrivés avec un dossier juridique "en béton" qu'ils ont déposé à l'Office de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) avant de demander l'asile à la France. Après des mois de procédures et d'examens, leur demande a été jugée recevable. La Hongrie a bien sûr exercé des pressions pour empêcher une telle décision, craignant qu'elle ne retarde l'entrée du pays dans l'Union européenne. Josef Krasznai est le porte-parole des Roms de Zamoly et le président de l'Organisation indépendante des Roms du département de Fejér. Il n'a pas demandé l'asile parce qu'il veut poursuivre sa lutte en Hongrie, malgré les risques qu'il court et qu'il mesure, étant donnée sa détermination à défendre les droits des Roms. Il déclarait en août 2000 : « Nous avons accepté pendant des siècles le rôle de citoyens de second ordre, en nous contentant de notre situation de misère. Nous ne pouvons pas permettre ce que nos aïeux ont permis en 1944, nous n'entrerons pas dans les chambres à gaz pendant que l'hymne hongrois retentit.»

     

    «Citoyens de second ordre», les mots sont prononcés. Des exemples ? L'espérance de vie des Tsiganes hongrois est de dix à quinze ans moindre que pour le restant de la population ; 85 % des enfants roms ne peuvent intégrer le système scolaire normal, ils sont dirigés vers des écoles d'enseignement spécial réservé aux handicapés mentaux ; le maire de Csor a déclaré en toute impunité : «Je pense qu'en ce moment les Roms de Zamoly n'ont pas leur place parmi les Hongrois : les animaux eux-mêmes se débarrassent de leurs parasites»; leurs maisons sont quelquefois brûlées, quelquefois rasées. Pour la première fois, en 2000, des intellectuels hongrois ont publié un texte par lequel ils exigeaient que les minorités disposent des mêmes droits que tout citoyen et que les agressions physiques et morales ne restent pas impunies. En Roumanie, en Slovaquie, en Tchéquie la situation semble pareille. Il fallait ce très bref récapitulatif pour en arriver à ce que subissent en France les Tsiganes roumains, qui sont obligés de vivre dans des campements (des sous-bidonvilles, si l'expression est plus explicite) indescriptibles de délabrement, de misère. A côté de Paris, à Choisy-le-Roi, Achères, Lieussaint-Moissy, Argenteuil (et en d'autres lieux), des hommes, des femmes, des enfants survivent. Quel autre mot utiliser, quand, par exemple à Achères, plus de 80 personnes ne disposent que d'un seul point d'eau alimenté par un tuyau d'arrosage (comment fait-on quand la température tombe sous zéro ?) Quand, dans ce même campement, l'électricité est absente et que des personnes, aujourd'hui en France, en 2002, des femmes, des hommes et des enfants doivent faire leurs besoins naturels dans la forêt à côté du campement ? Quand les ordures ménagères ne sont pas enlevées et quand des conteneurs débordant de détritus ne sont pas remplacés ? Combien sont-ils autour de la "Ville-lumière" à préférer cette situation sans espoir plutôt que d'envisager un retour dans leur pays d'origine où, tous en témoignent, la situation est pire ? Environ 1 500 ? Pouvons-nous ne pas dire notre indignation devant le spectacle de personnes reléguées au rang de bétail ? (à la SPA, chiens, chats, perroquets et poissons rouges sont mieux accueillis !) L'Europe et la France, en particulier, vont-elles encore longtemps fermer les yeux, ignorer le sort indigne - voire inhumain - réservé avant-hier, hier comme aujourd'hui au peuple rom ? Il faut redire que le génocide des Tsiganes par les nazis n'est pas reconnu par les pays de l'Union européenne, sauf par l'Allemagne depuis 1991. Combien de victimes ? 300 000 ? Plus ?

     

    En langue romani, Samudaripen signifie «génocide». Un mot à introduire dans notre langue comme le mot Shoah. En outre, la France contrevient à ses propres lois lorsqu'elle n'empêche pas un maire ou un directeur d'école de refuser (quasi systématiquement) l'accès à un cursus scolaire normal pour les enfants roms. En octobre 1999, le gouvernement belge a expulsé 74 personnes tsiganes d'origine slovaque. Cette mesure a été qualifiée de «rafle organisée» par ceux qui s'opposaient à cette politique : les adultes avaient été invités à se rendre à la maison communale sous le prétexte de les aider à régulariser leurs situations, pendant que la police allait chercher les enfants dans les écoles. C'était la première fois qu'un pays européen procédait à une expulsion massive. Dans l'avion, des gendarmes ont eu la subtile initiative d'inscrire à l'encre noire indélébile un numéro sur l'avant-bras gauche de chacune des personnes, y compris les enfants. Des sanctions contre les responsables d'un tel comportement crapuleux ? Aucune. Les protestations, hélas, n'ont guère dépassé les frontières du pays. La Belgique a d'ailleurs été condamnée, ce 5 février, par la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg. La question tsigane est plus que jamais européenne avec l'élargissement de l'Union. Il y a urgence. La négligence des gouvernements européens est criminelle à l'égard d'un peuple qui risque de disparaître d'une mort lente et silencieuse. La Commission européenne et les gouvernements, sous peine de se discréditer, de trahir la charte fondamentale, de retrouver un silence coupable digne des années noires du siècle dernier, se doivent d'intervenir auprès des gouvernements hongrois, roumain, tchèque et slovaque pour exiger une politique démocratique digne de ce nom. En 1943, dans le ghetto de Lodz, Reïzel Zychlinsky écrivait :

    « Et les cieux étaient nus et vides

    Tous les cieux

    Dieu avait caché sa face.»

    Soixante ans plus tard, pour les Roms d'Europe, les cieux sont toujours nus et vides. Le temps est peut-être venu pour les communautés juives d'Europe de se souvenir publiquement qu'à Treblinka, Chelmno, Birkenau, Majdanek, dans les ghettos de Varsovie ou de Lodz et dans d'autres camps en Hongrie, en Serbie, en Autriche ou en Allemagne les Roms ont subi une entreprise d'extermination comparable à celle menée contre les juifs. Il faut protéger le peuple rom, lui accorder une citoyenneté européenne, lui donner un statut, une réelle identité.

     

    Georges Yoram Federmann est psychiatre, responsable du comité d'accueil des roms de Zamoly à Strasbourg. Pierre Mertens est écrivain. Véronique Nahoum Grappe est sociologue (EHESS). Jean-Marc Turine est producteur à France-Culture. Pierre Vidal-Naquet est historien»

     

    Droits de reproduction et de diffusion réservés pour le texte © Le Monde 2002

    Photo © Laurence Loutre-Barbier

  • DU GRAND FRANCOIS MOREL

    François Morel

    • Il y a la triste vidéo de cette fillette, peau de banane à la main, qui crie « La guenon, mange ta banane ! » en direction de Christiane Taubira. Et une autre, cinglante mais poétique, qui s’adresse à cette fillette.

    Vendredi, sur France Inter, l’excellent François Morel a, une fois de plus, livré un joli billet d’humeur. Qui commence par une question :

    « Mais qu’est-ce que tu vas faire de ta vie, petite conne ? Je m’interroge. Déjà si jeune et déjà percluse de ressentiment, de rancœur, de violence larvée, de médiocrité, de bêtise. Qu’est-ce que tu vas faire de ta vie ? »

    L’ancien Deschien s’interroge sur l’avenir de cette gamine de 10 ans, qui risque de se mouvoir toute sa vie « dans un marécage de pensée rance et écœurante ».

    « Te rendras-tu compte un jour, pauvre petite idiote, de l’ignominie de ton geste, de la honte de tes paroles, de l’indignité de ta pauvre attitude ? »

    « La prochaine fois que tes parents iront manifester, fais du poney »

    S’adressant à la gamine, François Morel dit l’idéal républicain qui se casse la gueule, la beauté des combats passés – celui de Victor Schoelcher en tête, dont « le nom restera peut-être encore plus longtemps dans l’histoire de France que celui de Christine Boutin » :

    « Je sais bien, pauvre petite idiote, que tu sais à peine de quoi tu parles, je ne devrais pas m’énerver contre toi. Bien sûr, ce sont tes parents les responsables et les coupables. Mais tu as le droit de ne pas être d’accord avec eux. La prochaine qu’ils iront manifester, reste chez toi, va à la piscine, fais du poney... »

    Il conclut sur un dernier conseil :

    « Et puis, à 4 heures, mange une banane. La banane est un fruit très énergétique, très riche en potassium. Elle est facile à digérer, elle est riche en calcium, en vitamines A, B et C. C’est bien que tu en manges régulièrement. C’est pour qui la banane ? C’est pour toi, pauvre petite conne. Pour que tu grandisses. »

    Copier sur Rue 89

  • ALLENDE

    Quand les militaires fauchent l’espoir d’une nouvelle voie vers le socialisme

    Chili, 11 septembre 1973. Le général Augusto Pinochet renverse le gouvernement de l’Unité populaire, un «régime à caractère marxiste» contre lequel la démocratie était «incapable de lutter», expliquera-t-il par la suite. En quoi le gouvernement de Salvador Allende avait-il bousculé les intérêts des puissants? Comment le coup d’Etat fut-il orchestré? De quelle façon le Chili se souvient-il du dirigeant socialiste et du dictateur néolibéral? Voici certaines des questions auxquelles entend répondre ce livre électronique du «Monde diplomatique», à travers une sélection d’archives et d’articles récents.

    par Renaud Lambert, mercredi 11 septembre 2013

    Le 4 septembre 1970, une coalition (allant des communistes aux socio-démocrates) porte Salvador Allende à la présidence du Chili avec un peu plus de 36% des voix, contre 35% pour le démocrate-chrétien Jorge Alessandri.

    Dans son discours de victoire, le nouveau président promet : «Nous abolirons les monopoles qui accordent le contrôle de l’économie à quelques dizaines de familles. Nous abolirons un système fiscal (…) qui accable les pauvres et épargne les riches. Nous abolirons la grande propriété qui condamne des milliers de paysans à la servitude. Nous abolirons la mainmise étrangère sur notre industrie.» Il ajoute, ouvrant une voie encore peu fréquentée vers la transformation sociale : «Le socialisme passe par la démocratie, le pluralisme et la liberté».

    Le vent d’espoir qui souffle le long de la cordillère des Andes galvanise jusqu’aux rangs du parti socialiste français, qui a élu en 1971 un nouveau premier secrétaire : François Mitterrand. Celui-ci, particulièrement séduit par cette expérience de «Révolution dans la légalité» (1), réserve son premier voyage officiel au Chili.

    A l’époque, «le fond de l’air est rouge» (2). Washington s’en émeut. Dès le 6 novembre 1970, le président américain Richard Nixon déclare devant le Conseil national de sécurité : «Notre principale préoccupation avec le Chili, c’est le fait qu’il [Allende] puisse consolider son pouvoir et que le monde ait l’impression qu’il en train de réussir.(…) Nous ne devons pas laisser l’Amérique latine penser qu’elle peut prendre ce chemin sans en subir les conséquences.» Allende a pris ses fonctions l’avant-veille.

    Les jeux sont déjà faits. Le 7 octobre 1970, Richard Helms, directeur de la CIA, envoie une directive «urgente» à ses agents sur place : «Nous souhaitons que vous souteniez une action militaire qui aura lieu, dans la mesure du possible, dans un climat d’incertitude économique et politique.» Moins technique, le conseiller à la sécurité nationale, Henry Kissinger, résume : «Je ne vois pas pourquoi nous devrions laisser un pays devenir marxiste simplement parce que sa population est irresponsable.» (3) Le 11 septembre 1973, l’armée chilienne – soutenue par la presse, l’organisation fasciste Patrie et Liberté, le Parti national et les Etats-Unis – remet le peuple «dans le droit chemin».

    Trois ans, presque jour pour jour, après sa première allocution en tant que président du Chili, Allende prend la parole pour la dernière fois. La Moneda (le palais présidentiel) est sous les bombes : «Nos ennemis sont forts; ils sont capables d’asservir le peuple. Mais ni les actes criminels ni la force des armes ne sauront contenir ce processus social. L’histoire nous appartient; c’est le peuple qui fait l’histoire.»

    En 1973 débute l’une des dictatures les plus violentes d’Amérique latine, qui fauche l’utopie de la «Révolution dans la légalité» et transforme le Chili en laboratoire planétaire du néolibéralisme. La même année, Henry Kissinger reçoit le Prix Nobel de la paix.

    (1) Lire Claire Lepage, «Le parti socialiste français face à l’expérience de l’Unité Populaire chilienne», Institut François Mitterrand, 4 mars 2008.

    (2) Comme le racontent le documentaire de Chris Maker, en partie consacré au Chili d’Allende, ainsi que notre hors-série «grands reportages», «Quand le fond de l’air était rouge».

    (3) Cités par Grace Livingstone dans America’s backyard : The United States and Latin America from the Monroe doctrine to the war on terror, Zed Books, New York, 2009.

  • VU DANS LE MONDE

    La France a la possibilité d'inventer un autre monde

    LE MONDE | 26.08.2013 à 20h42• Mis à jour le28.08.2013 à 07h07|Par Martine Aubry (Maire de Lille)

     
     

    Martine Aubry, maire de Lille (PS).Martine Aubry, maire de Lille (PS). | FRED DUFOUR/AFP

     

    Désendettement, inversion de la courbe du chômage, remise à flot de l'éducation nationale : je connais la profondeur de la crise et les dégâts des deux derniers quinquennats, et je suis pleinement solidaire du gouvernement qui, avec courage, s'attelle au redressement du pays. Si justes et efficaces qu'elles soient, aucune des lois votées, aucune des mesures prises ne sera suffisante si l'avenir n'est pas rendu plus visible et surtout plus désirable.

    2008 s'éloigne, mais n'oublions pas la leçon que nous avions tirée : nous sommes confrontés à la faillite d'un système. L'heure n'est plus au rafistolage : nous avons la responsabilité de faire émerger un monde nouveau. Oui, c'est à ce niveau que nous devons fixer notre ambition politique, celui d'une nouvelle "renaissance". Renaissance, je choisis ce terme au plus loin de toute idée de restauration d'un temps passé, source de régression et de repli, et en référence aux composantes essentielles du mouvement qui a sorti l'Europe du Moyen Age : l'homme remis au coeur de la société, le progrès scientifique, la nature magnifiée, l'ouverture au monde. Ici, nulle utopie irréalisable : j'ai pu le mesurer encore dans mes déplacements récents en Chine, la France dispose d'atouts incomparables et les prémices de ce nouveau monde sont déjà là. Je crois une telle ambition seule de nature à sortir notre pays du marasme et de la déprime. Les Français ne sont jamais aussi heureux que lorsqu'ils se réunissent autour de grandes ambitions collectives. C'est l'honneur de la politique de mobiliser la nation tout entière sur ce chemin.

     

    RENAISSANCE D'ABORD INDUSTRIELLE

    La renaissance doit être d'abord industrielle. Une nouvelle croissance durable pour renouer avec l'emploi et le progrès naîtra à la croisée des nouvelles technologies – numérique, bio et nanotechnologies, énergies renouvelables... et des besoins de l'homme et de la société. Nos atouts, ici, comment ne pas les voir ! L'énergie ? Qui pourrait dénier à la France, qui a été championne dans le domaine énergétique, la capacité de devenir un fer de lance mondial dans le solaire, l'éolien et le géothermique ! La santé ? Nos chercheurs sont à la pointe de l'innovation médicale. Les villes de demain, à la fois durables et mixtes ? Nous détenons toutes les compétences de l'urbanisme et de l'architecture jusqu'au traitement des déchets, au transport, à l'énergie, en passant par l'écoconstruction. Et beaucoup de nos secteurs traditionnels ont trouvé le chemin de l'avenir : les textiles techniques et innovants, l'e-transport, l'e-commerce, l'automobile du futur, l'alimentation de qualité...

    Alors arrêtons le défaitisme. Bâtissons un Etat stratège, qui donne les impulsions nécessaires aux filières d'avenr investit dans la recherche, la formation et les infrastructures, et remet la finance au service de l'économie. Surmontons le conservatisme des gardiens du vieux monde, et donnons corps – par la négociation, la réglementation, une grande réforme fiscale – à la sociale écologie de marché : une économie sobre écologiquement, une économie de la coopération plutôt que la mise en concurrence de tous, et une économie du bien-être plutôt que du tout-avoir, qui, sans renoncer à satisfaire les besoins matériels, rompt avec le consumérisme en reconnaissant le logement, la santé, l'éducation et la culture comme des éléments structurants de la société. Tels sont les contours d'une révolution industrielle que notre génération a la responsabilité de faire advenir !

    MODÈLE SOCIAL ÉBRANLÉ

    La renaissance doit être aussi celle de l'action et des services publics. Notre modèle social est ébranlé dans ses équilibres financiers, et peine à réduire les inégalités. La droite a voulu en tirer profit pour le mettre à terre. Nous, nous devons le réformer pour le conforter, car nous savons qu'il n'est pas d'égalité réelle sans services publics performants. Dans une société où à la fois la demande d'autonomie est forte et les disparités plus grandes que jamais, l'enjeu majeur est la personnalisation des réponses à apporter, sans rien perdre des protections collectives. C'est possible avec une éducation nationale qui offre à chaque enfant des pédagogies et des rythmes adaptés à ses difficultés comme à ses facilités : c'est là la refondation de l'école. Avec une sécurité sociale professionnelle donnant à chacun la possibilité de progresser tout au long de sa vie professionnelle et de rebondir en cas de difficulté.

    Avec une décentralisation qui fait de la créativité de nos régions et de nos métropoles le terreau du développement du pays ; et de nos villes et départements le bras de proximité d'une solidarité nationale garantie par une puissante péréquation. Avec une réforme des retraites qui, plutôt que de considérer l'allongement de la vie comme un problème, propose – compte épargne temps, prise en compte de la pénibilité et de la précarité, dépendance, place des seniors dans la cité... – de transformer ces années ajoutées à la vie en vie ajoutée aux années. La question de l'équilibre des régimes doit être traitée, mais elle se réglera dès lors que nous portons une réforme de société, et non une vision comptable.

    RENAISSANCE EUROPÉENNE

    Une nouvelle renaissance ne peut être que résolument européenne, à condition de remettre l'Europe sur de bons rails. L'Europe devrait être, comme le dit si bien Jacques Delors, la compétition qui stimule, mais aussi la coopération qui renforce, la solidarité qui unit. C'est pour s'en être arrêtée à la première partie du programme – le marché unique – et avoir négligé les autres qu'elle s'est éloignée des peuples et nourrit les populismes.

    La renaissance européenne exige la relance, tant les politiques d'austérité de ces dernières années ont été mortifères. Elle appelle ensuite une "super-politique" de cohésion sociale pour reconstruire l'appareil productif des pays comme la Grèce, l'Espagne et le Portugal. Elle passera aussi par une coopération renforcée entre les nations qui voudront aller plus vite : un exécutif européen doté de ressources propres comme la taxe sur les transactions financières ou l'impôt écologique ; l'harmonisation fiscale et sociale ; le "juste échange" comme doctrine commerciale pour nous battre à armes égales avec la Chine, l'Inde, l'Amérique, le Brésil... Le nouveau monde passe par l'Europe, mais aussi par une France écoutée et respectée, comme quand elle s'engage au Mali.

    RENAISSANCE INSPIRÉE PAR LA CULTURE

    La culture aussi doit inspirer cette renaissance. Il n'est pas pour moi de grand projet politique sans ambition culturelle. La culture est une force d'émancipation pour chacun et le ferment d'une vie collective par le partage d'émotions. Elle tend à chaque génération son miroir, elle en inscrit aussi la trace, c'est-à-dire le patrimoine de demain. Voilà pourquoi j'espère pour la France une renaissance culturelle, généreuse, comme chaque alternance en a produit, en 1936 comme en 1981. Le soutien à la création et l'éducation artistique sont à cet égard prioritaires.

    La renaissance que j'appelle de mes voeux doit concerner aussi nos valeurs, particulièrement pour donner toute sa force au vivre-ensemble, malmené par le repli sur soi et l'individualisme, et menacé par le communautarisme, les extrémismes et fondamentalismes. C'est la laïcité, cet écrin qui permet à la France d'abriter toutes les croyances et les non-croyances en son sein. C'est faire respecter par chacun avec fermeté, mais aussi justice, les règles communes.

    Voilà ce qui doit guider la réforme pénale. C'est aussi se souvenir que, dans notre devise républicaine, il y a la liberté et l'égalité, mais aussi la fraternité : l'attention de tous à chacun, mais aussi de chacun aux autres. Lorsque je l'ai lancé, ce débat a été caricaturé autour de la notion de care. Il n'en reste pas moins qu'il convient de revendiquer l'altruisme comme une valeur sans laquelle aucune société ne tient debout durablement.

    Alors, nourrissons pour la France une grande ambition, celle de lui redonner sa mission historique d'un pays qui ouvre des perspectives pour la culture, la science, l'imagination, la liberté, le bien-être ! Et, pour cela, misons sur le talent des créateurs et des chercheurs, le savoir-faire des salariés, le dynamisme des artisans et des commerçants, des agriculteurs et des entrepreneurs. Sachons mobiliser les collectivités locales, les bénévoles associatifs et syndicaux. Faisons confiance à la jeunesse de France, en cessant de la considérer comme une catégorie dont il faut régler les problèmes – il le faut, bien sûr, chômage en tête ! – mais comme la génération qui, avec ses rêves, ses valeurs, sa culture, est par essence la clé de l'avenir. Ce nouveau monde est à notre portée. C'est une tâche immense mais ô combien exaltante !

    Martine Aubry (Maire de Lille)