Le phénomène le plus grave qui se produit en France depuis quelques années n'est pas nécessairement l'évolution globale des prix mais l'aggravation de l'écart entre pauvres et riches qu'elle provoque. En fait au moment même où le Parti Socialiste élimine de sa déclaration liminaire « la lutte des classes » on est bien obligé de constater qu'elle se reconstitue dans son dos. Ce constat devrait interpeller le monde politique car il met en évidence une inversion lente mais inéluctable de la notion de progrès social. C'est le contraire qui se produit : l'ascenseur conduit certaines catégories de plus en plus haut alors qu'il ne va que vers le sous sol pour les autres. Cette tendance annonce des événements graves dans un avenir plus ou moins proche car la situation finira par être insupportable pour une partir de plus en plus grande de la population.
les pauvres de plus en plus pauvres et des riches de plus en plus riches. C'est l'un des constats dressés par l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale dans un rapport remis mardi 29 avril dernier au gouvernement. L'ONPES note en effet qu'entre 2002 et 2005 les difficultés des plus pauvres se sont accrues tandis que les revenus des ménages les plus riches n'ont cessé d'augmenter. Cette réalité n'a pas ému le Ministre de l'Economie ou celui du budget qui ont offert à leur électorat il y a quelques mois le paquet fiscal et le bouclier. La notion fondatrice de la République qu'est la solidarité n'a plus lieu d'être. Elle est mise en pièces par des réformes apparemment sans lien mais qui finissent par miner le pacte républicain.
Le rapport note également que la baisse du chômage s'est accompagnée d'une hausse du nombre de travailleurs pauvres et du nombre de demandeurs d'emploi non indemnisés. On couche davantage qu'avant dans sa voiture quand on est salarié. On est en situation de surendettement de plus en plus souvent quand on est travailleur précaire. « En 2005, une personne pauvre sur deux avait un niveau de vie inférieur à 669 euros par mois », pour un seuil de pauvreté fixé à... 817 euros, selon ce rapport remis à la ministre du Logement Christine Boutin et au Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté Martin Hirsch. Ce dernier le sait bien puisqu'il a eu à s'occuper personnellement en lieu et place de l'abbé Pierre de tous ces paumés d'une vie marquée par la seule notion de rentabilité économique. Il n'envisage pas pour autant faire payer par ces « de plus en plus riches » son RSA qui ne résoudra que des cas extrêmes au détriment des légèrement plus à l'aise en leur supprimant la prime pour l'emploi. Comme pour les franchises médicales qui conduisent à faire payer par les plus malades les frais médicaux des moins malades qu'eux on va assister aux pauvres qui paieront pour les plus pauvres qu'eux !
D'ailleurs Laurent Fabius effectue lucidement la même analyse. Se pose d'abord la question du coût. On a entendu les chiffres les plus divers : au départ, c'était 10 à 12 milliards ; puis le ministre du budget nous a dit que ce serait 5 milliards ; M. Hirsch tient pour 3 milliards ; et l'autre jour Le Président de la République a parlé de 1 ou 1,5 milliard. Laquelle de ces excellences contradictoires faut-il croire ?
QUELLE SOLIDARITE ?
Se pose ensuite la question du financement explique l'ancien Premier Ministre. « Les départements se demandent en effet s'ils ne vont pas avoir à payer. Les titulaires de la prime pour l'emploi sont quant à eux très inquiets : nous avons cru comprendre qu'au-dessus de 1,2 fois le SMIC, vous supprimeriez la PPE. « S'il n'y avait que moi qui m'inquiétais, peu importerait ; mais permettez-moi de vous citer une intervention sur France Inter du début du mois d'avril : « Le projet qui est proposé par Martin Hirsch a deux inconvénients : il est coûteux - de l'ordre de 3 milliards - et il conduit à diminuer la prime pour l'emploi pour un certain nombre de Français. » L'auteur de cette intervention frappée au coin du bon sens est M. le Premier ministre ! »
Quelle est donc la conception gouvernementale actuelle de la solidarité ? Dans tous les cas elle ne consiste pas à financer les revenus des plus pauvres en taxant les pauvres ! Ce RSA risque de devenir un « revenu de solidarité absente ! » a ajouté devant les députés Laurent Fabius. « Vous avez dit que nous étions hostiles à tout. Pas du tout : nous sommes contre les injustices, mais nous sommes pour la solidarité, la vraie solidarité ! » Ce n'est pas une Affirmation dénuée de fondement quand on connaît la situation actuelle.
Selon l'ONPES, l'indicateur d'intensité de la pauvreté (c'est-à-dire le revenu moyen des personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté) n'avait cessé de baisser entre 1996 et 2002, « associé à une conjoncture favorable (...) traduisant une certaine amélioration de la situation des ménages pauvres ».Mais depuis 2002, « l'évolution s'est inversée, avec une augmentation continue de 16,3% en 2002 à 18,2% en 2005". Résultat, les inégalités ont fortement augmenté entre les très hauts revenus (...) et le reste de la population. Et le système du RSA va tirer vers le bas des catégories jusque là épargnée.
INEGALITES TERRIBLES
Calculé sur sept ans (1998-2005), le revenu des personnes disposant de plus de 201.423 euros par an a enregistré par contre une augmentation de 19,4%. Cette évolution, relève le rapport, est encore plus nette lorsqu'on considère le revenu réel des 0,01% de foyers les plus riches: entre 1998 et 2005, il a augmenté de 42,6% contre une augmentation de 4,6% pour les 90% de foyers les moins riches. Colossal ! Et la tendance ne s'inversera pas en 2006 et plus encore 2007 !
Selon l'ONPES, cette divergence s'explique par la forte croissance des revenus du patrimoine (+31% en huit ans pour les capitaux mobiliers), qui composent une part importante des revenus les plus élevés, mais aussi par une croissance plus forte qu'auparavant des inégalités de salaire. Sur cette période, les salaires les plus élevés ont en effet connu une progression de 14%, contre 4% pour les salaires les plus bas.
L'étude très approfondie de l'ONPES met en évidence que le taux de demandeurs d'emploi non indemnisés augmente dans un contexte de baisse des demandeurs d'emploi. Ce taux connaît une augmentation marquée de 2,6 points au cours de la période récente (de 37,7% en 2004 à 40,3% en 2006), dans un contexte global de baisse du nombre de demandeurs d'emploi et de développement de l'emploi précaire.
« Seuls six demandeurs d'emploi sur dix sont indemnisés », souligne l'Observatoire. « Parmi eux, la part des bénéficiaires du régime d'assurance-chômage géré par l'Unedic a diminué. Les réformes intervenues en 2004 et 2006 ont en effet restreint les conditions d'accès et limité les durées d'indemnisation ».
L'ONPES relève également une hausse du nombre de travailleurs pauvres dans une fourchette de 30.000 à 100.000 personnes entre 2004 et 2005. La grande majorité d'entre eux (78%) occupent un emploi toute l'année. Toutefois, 21% d'entre eux occupent principalement un emploi à temps partiel. Concernant leur salaire, les travailleurs pauvres ont perçu 775 euros par mois en 2005 au titre de leur activité, soit environ la moitié des revenus d'activité moyens de l'ensemble des travailleurs. Ces constats mettent en évidence que la société française coule à pic car la paupérisation est en marche et on ne voit pas comment elle va s'arrêter quand tout augmente à une allure vertigineuse. D'autant que demain matin il faut noter que la tendance va s'accélérer !
GAZ EN HAUSSE. MORAL EN BAISSE
Les tarifs réglementés de Gaz de France pour les particuliers augmenteront en moyenne de 5,5% demain selon un arrêté des ministères de l'Ecologie et de l'Economie publié ce matin au Journal officiel. Une première annonce avait indiqué que l'augmentation interviendrait à compter du 17 avril, date à laquelle l'arrêté avait été signé.
« Les tarifs réglementés de vente hors taxes du gaz naturel fourni à partir des réseaux publics de distribution par l'opérateur (...) en vigueur à la date du présent arrêté, augmentent de 0,264 centimes d'euros/kWh en moyenne », selon l'arrêté. Le gouvernement avait annoncé le 8 avril avoir proposé une telle hausse. La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a rendu un avis favorable.
Le gouvernement avait indiqué que cette hausse se justifiait par un « contexte international de hausse du coût d'importation du gaz naturel » due à l'envolée des prix du pétrole. En fait pour tous les abonnés mensualisés c'est une « dépression » de leur pouvoir d'achat à retardement car ils auront la note à payer en fin d'année 2008. En novembre ils verront une forte amputation de leur pouvoir d'achat avec la régularisation de leur consommation... et ce sera trop tard pour protester !
Le moral des ménages français, déjà très mauvais, a encore baissé en avril à un nouveau plus bas historique, notamment à cause de l'inflation, ce qui ravive des craintes pour la consommation, traditionnel moteur de la croissance, selon les chiffres publiés aujourd'hui par l'Insee. L'indicateur résumé qui le mesure s'est établi à -37 contre -36 en mars en données corrigées des variations saisonnières, soit la dixième baisse consécutive. Après un rebond en février, la consommation des ménages français a de nouveau décroché en mars, reculant de 1,7%.
Autre sujet d'inquiétude: le ralentissement du marché immobilier. Les mises en chantier de logements en France ont baissé de 9,9% entre janvier et mars, à 92.110 unités, alors que les permis de construire ont chuté de 15,5%, à 120.528 unités. Jamais la pauvreté n'a été aussi prégnante dans notre pays et pourtant Nicolas Sarkozy continue à parader comme si de rein n'était. A croire qu'il ne lit aucun des rapports sur la situation d'un pays qu'il croît encore préparer à l'avenir !