La déroute vient de loin. Inutile de remonter le fil jusqu’à la genèse de la dérive, foin du rappel des étapes successives du renoncement, les critiques annonciatrices de cette infâmie électorale sont nombreuses et trouvent leur source partout à gauche, dans tous les groupes parlementaires, dans tous les partis. Bref, nous avions prévenu.
L’exécutif persévère dans des recettes pourtant à bout de souffle. Et s’engage seul, de plus en plus seul, vers l’abîme du social-libéralisme, qui n’est en fat qu’un libéralisme light. Pire, la musique qui s’installe, en guise de « réponse » au « malaise-des-français-qu’il-faut-entendre-parce-que-l’abstention-montre-une-défiance-bla-bla » serait d’aller plus vite encore.
Certains vont encore nous proposer, toute honte bue, que la demande de la société française est une demande de plus à droite. Ceux-là se trompent : il n’y a pas plus d’électeurs en faveur du Front national. Ils en perdent même deux millions. Mais la gauche socialiste, elle, en perd 7 millions. Autrement dit, nos électeurs ont fait grève.
Quelles sont les tâches des uns et des autres ?
Bien que sceptique sur son envie d’écoute à l’heure où je rédige ces lignes, je dois quand même dire qu’il revient à François Hollande de marquer les esprits au Sommet de Bruxelles ce mercredi 28 mai. Cette Europe là ne marche pas, les peuples n’en veulent pas et la première suggestion qu’il doit faire est le renoncement – utile, celui-là – à l’absurde règle d’or et d’austérité des 3%. Elle bride, elle affaiblit et, parce qu’elle empêche les politiques publiques ambitieuses elle conduit à l’impuissance. Et ainsi monte l’abstention (à quoi bon voter ?) et donne de la force au discours volontariste des néofascites du Front National.
Le deuxième impératif est qu’au Parlement, les socialistes ayant initié l’appel des 100 doivent s’élargir : de nombreux députés socialistes veulent désormais que cela change et sont prêts pour cela à se regrouper autour d ‘une plate-forme de propositions et d’actions législatives qui fasse d’investissement public et de la justice sociale et fiscale la priorité.
La troisième exigence est l’unité de la gauche : de ce point de vue, je ne doute pas que les nombreuses initiatives d’ores et déjà prévues d’ici la fin août seront fécondes. Quel agenda pour cette deuxième partie du quinquennat ? La tâche théorique est immense, mais possible et nécessaire : passer de la simple addition (et parfois soustraction) des forces à leur synthèse véritable, à leur projection commune. Autrement dit : nous devons mettre nos intelligences au service de la synthèse du socialisme, de la démocratie et de l’écologie.
Peut-on remettre en perspective un horizon commun ? Car tout ne peut se résumer à un échange d’argumentaires économistes, a fortiori pour sortir du coma clinique un modèle totalement épuisé…et même dangereux. Le productivisme axé sur l’obsession d’une croissance qui ne reviendra pas est tout simplement criminel. Il tue au lieu d’épanouir. Il dévore au lieu de partager. Pour ma part, je suis certain qu’il faut remettre en friche l’imaginaire national totalement en panne : la République métissée qui est une réussite mais qu’on ne montre jamais ; la souveraineté des peuples confisquée aujourd’hui par la technocratie et les marchés ; un projet européen centré sur la coopération et l’intégration entre les pays qui ont choisi monnaie commune et avec la duplicité de certains de ses membres ; la coopération internationale pour le partage des connaissances et des inventions humaines …
Le fil de cette reconquête, j’en suis convaincu, c’est la démocratie. Le pouvoir de décider s’est déplacé du peuple vers des puissances illégitimes, cupides et sans objet humain. Il faut reprendre le pouvoir. Mais il faut le réinventer aussi : la délégation ne suffit plus : le contrôle des pouvoirs autant que la confiance dûe aux citoyens doit guider la refondation démocratique devenue indispensable. Les parlementaires initiateurs de l’appel des cent ont mis cette question démocratique au cœur : 5ème République ou pas, il revient de mettre chaque pouvoir à sa place. Le nôtre est de faire la Loi et non de se la faire dicter. Cette approche, qui est une révolution culturelle française ne fait que commencer. Elle portera, elle aussi, une dynamique féconde. Au service de l’intérêt général, fondé sur l’égalité. Celle-là même qui s’efface du tableau de l’Histoire de France…
Pouria Amirshahi