Il y a des tempêtes politiques qui sont aussi terribles que des tempêtes naturelles. J'ai l'impression que c'est ce que nous constatons depuis hier. Les décisions qui ont suivi le désastre occasionné par Xynthia ont provoqué des réactions extrêmement violentes, fortement relayées par les médias, télévisions, radios et journaux. A chaque fois, la tonalité est la même, et impressionnante : l'Etat et les collectivités, à tout niveau, sont violemment remis en question, dans une sorte de procès populaire, d'inquisition sauvage.
Que leur reproche-t-on ? Incompétence, surdité, aveuglement, irresponsabilité, autoritarisme, inhumanité, ... A aucun moment, dans ce que j'ai vu, entendu et lu, la parole n'est donnée à ces représentants de l'Etat, de l'administration, des collectivités, ni aux spécialistes en matière d'urbanisme. Le verdict semble arrêté, brutal : tous coupables ! De quoi ? De détruire, de construire, de décider, de faire soi-disant n'importe quoi.
Le fond, je ne le connais pas. Pas plus que ne le connaissent ceux qui hurlent et qui ont sûrement leurs raisons. Mais pourquoi notre société, par médias interposés, se range-t-elle systématiquement du côté des victimes ? Comme si une victime, parce qu'elle est victime, avait nécessairement la vérité avec elle et pour elle. Comme si les institutions, les structures officielles, les responsables, les élus étaient disqualifiés par le fait de n'avoir pas subi les affres de Xynthia. Nous vivons dans une société encore chrétienne : la souffrance demeure un argument, le "vécu" est un atout majeur, le sentiment ne saurait mentir.
Qui sont les rois, les héros, les saints des temps contemporains ? Les "simples citoyens". Dans une réunion publique, présentez-vous comme un militant ou, pire, comme un élu, un dirigeant de quoi que ce soit : c'est immédiatement l'indifférence, le soupçon et très vite l'accusation. Mais quand un quidam se présente comme "un citoyen de base", la salle fait silence, écoute religieusement et généralement applaudit, même quand le quidam dit n'importe quoi.
L'idéologie moderne, ce n'est pas le libéralisme ou le socialisme, le nationalisme ou la révolution : non, c'est le citoyennisme. Son principe est simple : tout citoyen, en tant que citoyen, d'autant plus s'il est victime de quoi que ce soit, ne peut que tenir des paroles de vérité, sur lesquelles il convient de s'aligner. Voilà le conformisme, la pensée unique d'aujourd'hui, que personne n'ose dénoncer, comme il se doit pour tout véritable conformisme et pensée unique. Le plus étrange, c'est que les victimes de cette idéologie actuelle, élus, militants, représentants, ne la dénoncent pas, souvent la reprennent à leur compte. Nous qui sommes libres, nous n'acceptons pas cette pression psychologique, ce préjugé moral, cet a priori idéologique.