« Le moment utile, c’est maintenant », a déclaré Laurent Fabius, hier, devant les siens.
LES FABIUSIENS, jusqu’ici très silencieux, se sont retrouvés hier au déjeuner autour de Laurent Fabius. Et ils ont parlé, entre eux, d’une campagne électorale qui les inquiète. Pour le bien de la candidate Ségolène Royal, disent-ils, ils veulent être des « loyaux actifs ». Leur référence : Pierre Mauroy. En 2002, pendant la campagne de Lionel Jospin, l’ancien premier ministre était intervenu pour rappeler au candidat qu’il lui fallait parler au peuple et qu’« ouvrier » n’était pas un gros mot. Les fabiusiens ont donc décidé qu’il fallait parler avant qu’il ne soit trop tard. Car février sera grignoté par les vacances scolaires et ensuite ce sera le temps de la campagne officielle.
Ils voudraient que la candidate s’engage résolument à gauche. Fabius avait envisagé de parler hier soir devant le comité de campagne, mais il y a renoncé pour ne pas être accusé de semer le trouble dans un moment de doute. « C’est un endroit un peu compliqué pour se dire réellement les choses », expliquait un de ses lieutenants. Il fera tout de même connaître son point de vue aujourd’hui, dans un texte qui sera mis en ligne sur son site Internet. Avant-hier, il a eu un contact téléphonique avec Royal, et ils sont convenus de tenir, ensemble, une réunion en Seine-Maritime, le fief de Fabius.
Hier soir, c’est le jospiniste Jean Glavany, qui fut le directeur de campagne de Lionel Jospin en 2002, qui a conseillé à Royal de tirer les leçons du passé : il faut, a-t-il dit, préparer le premier tour en rassemblant son camp avant de s’occuper du second, et aussi ne pas se laisser enfermer dans les conseils des experts.
Des sondages inquiétants
Deux éléments nourrissent les inquiétudes fabiusiennes : l’attitude des enseignants et celle des classes populaires, qui, disent-ils, se détachent de la candidate socialiste. Ils craignent aussi qu’en maintenant son calendrier, la candidate ne fasse « monter les attentes » jusqu’au 11 février et que, du coup, elles ne soient déçues. « C’est comme Bubka », a expliqué Claude Bartolone, en référence au champion du saut à la perche, « on l’attendait tellement à 6 mètres que lorsqu’il arrivait seulement à 5,95 m, cela paraissait comme un échec ».
Depuis lundi, un sondage Ipsos pour Le Point (1), à paraître demain, circule sous le manteau. La candidate socialiste y enregistre un fort recul : elle recueille, au premier tour, 26 % d’intentions de vote, soit une baisse de trois points par rapport à la précédente livraison. Et comme dans le même sondage, le candidat UMP Nicolas Sarkozy gagne, lui, trois points à 35 %, le différentiel entre les deux candidats atteint les 9 points.
Au deuxième tour, selon la même enquête, Sarkozy battrait Royal par 54 % à 46 %. Ce qui n’a pas manqué de créer l’inquiétude chez les socialistes. Dans un autre sondage publié hier, réalisé par l’Ifop pour Paris Match (2), Royal est en baisse de 0,5 point au premier tour avec 27,5 %, contre 31 % à Sarkozy, également en baisse de 2 points. Au deuxième tour, Sarkozy bat Royal par 52 % à 48 %.
Les plus royalistes, comme le député de l’Ardèche Pascal Terrasse, s’agacent de cette tendance des députés PS à la « déclinologie ». « Ils ont attrapé le virus, c’est comme la gastro-entérite, c’est contagieux », se moquait-il hier dans les couloirs de l’Assemblée, tout en réclamant que la candidate « mette les troupes en avant : les généraux, et aussi les artilleurs ». Les sondages d’aujourd’hui « n’ont pas grande importance », explique Éric Besson, invitant ses camarades à la « patience » jusqu’au 11 février car dans une élection présidentielle, « les choses se cristallisent dans les trois dernières semaines ». « C’est préoccupant », estime en revanche Christian Bataille. « Cela veut dire qu’il faut faire de la politique tout de suite. Nous avons toujours le vent dans le dos mais il souffle un peu moins fort. Il ne faut pas que l’attente dure trop longtemps avec un débat dont on ne perçoit pas l’architecture politique et un certain nombre d’idées, comme l’arrêt de la centrale de Fessenheim, avancées un peu à la légère », explique ce député du Nord.
Royal, elle, maintient son cap. " A ceux qui doutent de ma méthode, j’y arriverai"