Par un beau jour de juin, vous avez accepté l'invitation à déjeuner de vos beaux-parents. Barbecue promis et dûment exécuté.
Vous avez goûté de ce petit rosé du Var affriolant, qui précèdait un autre digne représentant de l'école tropézienne bientôt suivi de son jumeau ; avant qu'on ne réveille la noblesse varoise pour accompagner - faute d'accord, mais vous passez - les fromages.
Toujours est-il qu'il est bientôt seize heures, et il faut repartir pour accomplir son devoir électoral, toute chamaillerie familiale bue. Votre femme conduit ; vous someillez presque, les jambes légères et les tempes lourdes.
Vous voilà devant l'isoloir. Vous comptiez voter pour le Parti socialiste. Mais la griserie sollicite votre créativité politique.
- Ma foi, Perdu pour perdu, glissons dans une enveloppe le bulletin polisson de cette Edwige Curtet aux formes toutes républicaines.
Chose faite, vous avouez à votre épouse la trahison. Et souffrez de son juste courroux le temps de vous assoupir tout habillé.
20 heures sonnent. Gueule pâteuse, vous ouissez les promesses d'une catastrophe électorale pour le Parti socialiste. Minuscule cheville ouvrière du désastre, vous vous avisez que peut-être, l'ivresse pourrait être invoquée pour modifier votre vote. Et vous précipitez vers le bureau qui s'endort sous le vol agacé d'une grosse mouche.
Votre argumentation juridique est en place :
1. - L'article L. 2 du Code électoral prévoit que :
Sont électeurs les Françaises et Français âgés de dix-huit ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques et n'étant dans aucun cas d'incapacité prévu par la loi.
Au rang des cas d'incapacité prévus par la loi, l'insanité d'esprit.
2. - L'article 489 du Code civil dispose que :
Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. Mais c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.
L'insanité d'esprit peut être caractérisé par l'état alcoolique, ce dont votre épouse témoignera. De plus, un éthylomètre de qualité assurera aisément une présomption solide à n'importe quel juge.
L'exercice du droit de vote est une manifestation de volonté destinée à produire un effet de droit : un "acte juridique" au sens de l'article 489 du Code.
Bref, vous n'aviez pas, au moment du vote, tout votre esprit, ce qui vous privait de la qualité d'électeur et interdisait que vous glissiez l'enveloppe du plaisir frivole dans l'urne de la dignité républicaine.
Est-ce à dire que la personne en état d'ébriété pourrait aisément troubler le bon déroulement du scrutin ?
C'est sans compter sur les pouvoirs extraordinaires confiés au président du bureau par l'article R. 49 du Code électoral :
Il ne peut pour autant priver l'électeur de son droit de vote. Il faudra revenir une fois apaisée la griserie.
Aussi bien pourrez-vous, comme tant d'autres avant vous, glisser dans l'urne le produit amer d'un soleil chaud de juin, d'un vin rosé un peu traître, et d'une âme empreint d'un vice que seul révèle le secret de l'isoloir.
Cette histoire m'a été inspiré par la lecture du Code électoral mis à disposition dans tous les bureaux de vote et en ma qualité es assesseur qu'une période de forte abstension m'a fait parcourir .

Il suffit de transposer l'affaire dans le contexte français pour en comprendre toute la saveur. Imaginez qu'en France un pouvoir retire sa licence à TF1. C'est justement inimaginable, tant cette machine de propagande soft - et désormais officielle, cf la nomination du directeur de campagne de Sarko tout en haut de l'organigramme - semble un roc inamovible, comme devait le sembler RCTV avant le coup chaviste. Et pourtant, il suffirait d'une décision politique, celle de faire appliquer le cahier des charges par exemple. Une décision, mais quelle décision... Il faut d'ailleurs une forme d'inconscience pour s'en prendre au nouvel opium du peuple - et on imagine la révolte des millions de spectateurs shootés au Pernault et au Poivre et à toutes les merdes distillées avec soin (le cerveau disponible, gna gna, je vous la refais pas).
Bien sûr, je n'ignore pas risqué de vouloir faire le bien du peuple contre le peuple, pour l'éduquer, avec toute l'ambiguïté de la pédagogie forcée : de quel droit priver des millions de gens de la merde qu'ils consentent à regarder ? Et quel mépris d'ailleurs ! Mais quoi que disent les tenants de la "démocratie" (les mêmes souvent qui critiquent le "nivellement" post-68), il reste que c'est bien l'offre qui façonne la demande, et assez peu l'inverse. Evidemment, s'il faut remplacer TF1 par une sorte de télé-Chavez avec des discours interminables et des programmes "éducatifs et sociaux" (de propagande, donc), je ne suis pas sûr qu'on gagne totalement au change.



Le problème c’est qu’il n’y a plus un rond dans les caisses de l’Etat et que toute mesure positive nécessite de trouver un nouveau financement. Alors on effectuera une conférence de presse pour annoncer les décisions et on publiera un jour ou l’autre les décrets d’application ce qui permettra d’en différer leur mise en application.