Nucléaire : en s’éloignant du PS, les Verts se tirent une balle dans le pied
Invité du 20 heures de France 2 le 7 novembre 2011, François Hollande a indiqué qu’il n’entendait pas renoncer à l’EPR de Flamanville. Un coup dur pour les Verts, qui avaient fait de l’abandon de ce réacteur nucléaire en construction un préalable à leur accord électoral avec le parti socialiste.
Depuis lors, les leaders verts dénoncent cette prise de position du candidat socialiste, sans saisir que leur tactique calamiteuse de ces dernières semaines a largement contribué à cette issue peu glorieuse.
François Hollande a déclaré : « Je suis pour une diminution de la part du nucléaire dans la production d’électricité. 75% de nucléaire, c’est trop élevé par rapport à ce que nous devons faire en matière de diversification des sources d’énergie mais je préserverai la construction d’un EPR, à la condition bien sûr que toutes les règles de sécurité soient respectées ».
Résultat : dès le lendemain, 8 novembre, on apprenait que les négociations entre le PS et EE-LV (Europe Ecologie-Les Verts) étaient non pas « rompues »‘, mais « suspendues ».
Le Parti EE-LV paie le prix d’une tactique pour le moins inconséquente à l’égard du parti socialiste.
Premier faux pas
Beaucoup de responsables verts se sont affichés en faveur de Martine Aubry lors de la primaire citoyenne . Comme on pouvait s’y attendre, cette intrusion dans le débat interne du PS n’a pas mis François Hollande dans de bonnes dispositions.
Deuxième impair
Quelques jours après la victoire de François Hollande, Cécile Duflot a mis de l’eau dans son vin antinucléaire en parlant non plus de « sortie du nucléaire », mais d’ »ouverture de l’horizon de la sortie du nucléaire ».
Troisième série d’impairs
Comme pour se rattraper de cette « concession », les leaders verts ont ensuite durci le ton. De retour de Fukushima, la candidate Eva Joly a lâché le 26 octobre en Alsace cette phrase hallucinante : « Vous trouvez raisonnable que le spécialiste de Corrèze décide de notre avenir énergétique ? » Le 30 octobre, Denis Baupin, adjoint vert au maire de Paris, en a remis une couche en déclarant à « Sud-Ouest » : »On négocie avec le PS, pas avec Hollande. »
Mais c’est le 6 novembre que le pompon a été atteint avec l’ »ultimatum » posé sur France 3 par Eva Joly à l’encontre du PS. « Si François Hollande dit non pour arrêter le chantier de Flamanville, il n’y aura pas d’accord », a martelé la candidate. « L’accord avec le PS doit intervenir avant notre conseil fédéral du 19 novembre. Au-delà du 19 novembre, il n’y a plus d’accord », a ajouté Eva Joly, consacrant ainsi une stupéfiante primauté du calendrier interne de son organisation sur le simple bon sens, pour lequel une négociation réussie exige de prendre son temps, surtout à six mois des échéances électorales.
Le 6 novembre, toujours, Jean-Vincent Placé, numéro 2 du Parti, a rejoué la fable de la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf en affirmant : « On sait bien que Hollande peut gagner tout seul. Mais ce ne sera pas facile de gouverner pendant cinq ans sans nous ». Quoi ? Un gouvernement sans les Verts ? François Hollande a dû en trembler d’effroi !
Toutes ces déclarations marquent chez les leaders verts un saisissant manque de sens élémentaire de la négociation. Vu le rapport de forces dans les sondages entre François Hollande (à plus de 30 %) et Eva Joly (autour de 5 %), comment imaginer une seconde que le PS allait céder à ces ultimatums ?
La fin de non-recevoir de François Hollande, qui lui permet aussi de marquer sa fermeté face à ceux qui l’accusent d’incarner la « gauche molle », était donc le seul aboutissement possible de cet épisode.
Et maintenant ? EE-LV peut choisir la voie du refus de tout accord électoral avec le PS. Le parti miserait alors sur les indéniables qualités personnelles d’Eva Joly pour réaliser un bon score au premier tour, conduisant François Hollande à « composer » avec EE-LV entre les deux tours.
Mais, à mon humble avis, l’attrait d’un nombre conséquent de circonscriptions « gagnables » aux législatives risque d’être le plus fort au sein de la hiérarchie verte qui, comme le dénonce Gabriel Cohn-Bendit, dans son opuscule « A bas le parti vert ! » (éditions Mordicus), a tendance à être plus soucieuse de ses propres intérêts que du succès de ses « causes ».
Un compromis pourrait alors être trouvé d’ici quelque temps entre EE-LV et le PS, sur la base d’un « moratoire » sur le chantier de l’EPR de Flamanville, le temps qu’une commission d’enquête livre son verdict, après les législatives…
Les souris vertes n’auraient-elles alors rugi que pour amuser la galerie ?